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Focus Jeunes Créateurs : Rebecca Journo et Annabelle Dvir

Toutes deux lauréates du concours Danse élargie 2024, Rebecca Journo et Annabelle Dvir se partagent le plateau pour une soirée composée de deux trios féminins qui séduisent et interpellent.

Tous les deux ans depuis 2010, le Théâtre de la Ville organise le concours Danse Élargie. Des jeunes chorégraphes du monde entier sont invités à candidater et la vingtaine d’entre eux qui sont sélectionnés ont l’occasion rare de présenter un extrait de leur travail sur ce prestigieux plateau au mois de juin. Les lauréats sont ensuite accompagnés pour mener à terme leur création avant de la jouer aux mois de septembre des années impaires aux Abbesses, lors d’un Focus jeunes créateurs. Mais fort de la maturité et de la reconnaissance acquise par le concours en quinze ans d’existence, le Théâtre de la ville en propose cette saison une édition particulière. En effet, elle invite pendant ce mois de septembre les anciens et nouveaux finalistes, de Noé Soulier – premier lauréat aujourd’hui directeur de Cndc-Angers – à Rebecca Journo et Annabelle Dvir, lauréates du concours en 2024.

L’heure du thé

Ayant remporté la Mention SACD et le Prix de la Technique, Rebecca Journo propose, avec L’heure du thé, une version élargie du trio présenté lors du concours (qui est un extrait de sa création pour quatre danseuses Portrait). Dans un décor épuré et graphique composé d’un tabouret et de quatre chaises en métal dont le dossier filaire compose un carré, trois jeunes femmes, visages peinturlurés de blanc, nous offrent une variation sur le portrait photographique.

Accompagnées par la musique bruitiste jouée live de Mathieu Bonnafous, elles apparaissent et disparaissent dans le noir des pendrillons tels des fantômes, prennent la pose, assises ou debout, seules ou ensemble. Le plus souvent séductrices, leurs visages expriment, de la joie à la tristesse, toute la palette des émotions. Munies d’une vitre de la taille d’un téléphone portable ou d’une autre grossissante telle un miroir, elles nous donnent à voir des faciès enjôleurs ou monstrueux. Mais ce qui frappe surtout, c’est la qualité de leurs mouvements, longue somme de micro-gestes figés comme si nous nous étions emparés d’un flip-book. L’heure du thé est une pièce qui séduit par sa beauté plastique et nous interpelle, à l’heure du selfie généralisé, par son univers volontairement factice.

Galerie photo © Maxime Leblanc

FICTIONS

Annabelle Dvir, elle, est lauréate avec FICTIONS du 3ème prix Danse élargie. Israélienne d’origine géorgienne, elle plonge dans ses racines, dans une enfance marquée par la violence et la misogynie, dans la figure mythique de la sorcière comme dans son inconscient pour nous livrer un récit éclaté, vociférant, vocalisant et irrévérencieux, qu’elle prend elle-même en charge accompagnée de deux danseuses.

Vêtues de jupes noires et de chemisiers blancs, les trois jeunes femmes ne cessent de s’envoler pour s’écraser au sol avec fracas, se dévorent, se poignardent, esquissent un signe de croix, réclament un « fucking rainbow » qu’elles finissent par obtenir, du « fucking pink » aussi. Annabelle Dvir interpelle le public : « Me laisserez-vous vous raconter une histoire ? », « Ce n’est pas un jeu pour nous, nous ne jouons pas malheureusement ». Toutes trois sont tout à la fois puissantes et enfantines. Il y a dans la brutalité de leur danse, dans leurs jupons sombres qui s’envolent en même temps qu’elles, quelque chose des Noces d’Angelin Preljocaj. Dans leur sororité révoltée quelque choses des héroïnes du très beau « La lumière vacillante », roman de la Géorgienne Nino Haratischwili narrant le destin de quatre amies d’enfance confrontées à la guerre et au chaos. Les voir rejouer la violence, la porter en dérision pour mieux être et ne plus subir est jubilatoire.

Delphine Baffour

Vu le 13 septembre 2025 au Théâtre des Abbesses – Théâtre de la Ville.

L’heure du Thé
Extrait de Portrait
Conception et chorégraphie : Rebecca Journo

Avec Vera Gorbacheva, Rebecca Journo, Véronique Lemonnier et le musicien Mathieu Bonnafous.

FICTIONS
Chorégraphie, mise en scène, texte, composition vocale et sonore : Annabelle Dvir
Avec Annabelle Dvir, Layil Goren, Noa Shaveh.

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