Error message

The file could not be created.

Add new comment

Finale du Concours de jeunes chorégraphes de Ballet #4

Il y a des éditions avec et d'autres sans, et cela n'enlève absolument rien à la nécessité absolue d'une telle initiative. Au contraire…

Paradoxalement, la relative insatisfaction ressentie le 9 juin 2024 après-midi, dans la grande salle de la Gare du Midi de Biarritz (bien comble), à l'occasion de la finale du 4e Concours de Jeunes Chorégraphes de Ballet, serait la meilleure des justifications pour cette manifestation. Quand elle met en avant des talents comme l'actuel directeur du Ballet d'Avignon, Martin Harriague (2016) qui avait trusté prix du public, des professionnels et le second prix du jury, ne laissant qu'un prix à Xenia Wiest, pourtant membre du jury de la présente édition 2024 et actuelle directrice artistique du Ballett X Schwerin, en Allemagne, l'évidence pourrait se passer d'autres révélateurs ! En d'autres termes, ces deux-là auraient fini par éclore, concours ou pas. Et la démonstration vaut, par exemple, pour Julien Guérin (troisième prix en 2018). Plus que tout, l'important est donc de participer et l'essentiel est que cela existe.

Car, autre leçon de cette déception, chorégraphier pour un ballet, c'est un métier et l'accès à ce concours requiert de maîtriser quelques fondamentaux que les jeunes artistes n'ont pas souvent l'occasion d'éprouver. Témoigner d'une expérience avec un effectif important de danseurs pour être sélectionné, convaincre un groupe d'interprètes d'au moins quatre de s'engager jusqu'à la finale, gérer la question de la musique et celle du design lumière. Et jusqu'à cette confrontation beaucoup plus complexe que ce que l'on pourrait le penser avec un grand (très grand) plateau, et ce dans une durée resserrée, ne coule pas de source ; faut-il rappeler que la chorégraphie n'a pas grand chose de « l'art du corps » et tout de celui du temps et l'espace…

Apparemment, ces contraintes ne rebutent pas : en témoigne le nombre de candidats, de 32 en 2016, 40 en 2018 à 66 en 2020 représentant 27 nationalités, un peu moins (55) cette année, représentant 18 nationalités et une quasi parité (25 femmes, 29 hommes, 2 couples) : pour qui connaît les difficultés pour établir quelques shorts list hexagonales, ce succès est notable. Tout cela confirme l'intérêt de l'initiative co-organisée par le Ballet de l'Opéra National de Bordeaux, le CCN Malandain Ballet Biarritz et le CCN Ballet de l'Opéra national du Rhin mais ne dit rien de la déception initialement annoncée. Car on relèvera que dans les pièces distinguées, à savoir À deriva d’Ana Isabel Casquilho (prix du jury), Blíz de Věra Kvarčáková & Jérémy Galdeano (Prix du jury et Prix des professionnels), If you hold him close, you hear soft sweet sounds de Lucia Giarratana (Prix du jury), Overload de Manoela Gonçalves (Prix de Biarritz / Caisse des Dépôts et Prix jeune public) enfin Second Nature de Benoît Favre (Prix du public), interprétation et engagement furent sans faille et que tout y est plutôt bien fait (niveau moyen au dessus de la moyenne, donc).

Tous les candidats y sont correctement défrayés et les prix conséquents :  comme l'avait rappelé Georges Tran du Phuoc, Secrétaire général du CCN Ballet Biarritz qui accueille la finale de cette édition pour la précédente, « Même par rapport au concours étrangers, comme le concours de Hanovre, ce concours est un des mieux doté, c'est une volonté et un symbole. Nous avons voulu nous aligner sur les standards des concours de musique. Il n'y a pas de raison que la danse soit moins bien traitée ». Cela motive et c’est très bien.

Oui, certes, mais pourquoi n'en sortait-on pas content ? Parce que, cette année, aucune des pièces ne donnait vraiment envie d'en voir plus long, n'étonnait, ne tranchait. Les choix musicaux, Mahler (Lasse Graubner venant de Hambourg, Neumeier y étant passionné du musicien) à Arvo Pärt ou des montages sonores étranges (que venait faire la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 dans la pièce d’Ana Isabel Casqhuilho ?) lassaient. Les choix esthétiques (les pointes par exemple, dans trois pièces sur six) n'ont jamais été assumées dans ce qu'elles permettent (peut-on rappeler qu'il s'agit en somme d'un agrès et que leur usage par un homme n'a rien de vraiment transgressif). La recherche gestuelle des candidats ne s'est guère aventurée au delà d'un Kylian assez sage ou d'un Forsythe pas trop conceptuel…  Blíz de Věra Kvarčáková & Jérémy Galdeano propose ainsi six danseurs cuirassés de noir dans une gestuelle évoquant celle de (l'ex)-maître de Stuttgart sans que l'on perçoive pourquoi ce choix de costumes.

Le choix d'une construction très « plastique », avec trois couples dans des portés aussi sculpturaux qu'athlétiques, pour être spectaculaire dans Seconde Nature, la pièce de Benoît Favre, ne procède d'aucune nécessité esthétique sinon que cela fait beau… La machine à écrire qui fait le fond sonore et le déclenchement d'une gestuelle hachée dans If you hold him close, you hear soft sweet sounds, de Lucia Giarratana, n'apparaît pas plus significative. Jusqu'à l'ambition d'évoquer la solitude contemporaine dans Overload de Manoela Gonçalves qui procède de l'affirmation mais ne trouve pas de traduction convaincante dans la chorégraphie.

Alors, les résidences qui accompagnent ces prix, la possibilité pour les lauréats de travailler dans des compagnies où l'accompagnement (on oserait écrire « le mentorat » si le mot n'était si galvaudé par la mode) n'en apparaît que plus nécessaire. Chacun des candidats primés va se trouver confronté à une obligation de pensée, de justification des choix et un approfondissement de la stylistique absolument féconds. Une opportunité de sortir de l'académisme menaçant chaque fois qu'est fait recours à la taxonomie académique ! Il y a une logique là-dedans !

La prochaine édition de ce concours est prévue pour 2026 et l'on attend avec impatience de voir jusqu'où vont s'aventurer les présents impétrants.

Philippe Verrièle

Vu le 9 juin 2024, Finale Concours de jeunes chorégraphes de Ballet #4

Le jury était composé de :
- Pasquale Nocera, chargé de développement des missions représentant Bruno Bouché,
Directeur artistique CCN • Ballet de l'Opéra national du Rhin
- Thierry Malandain, Directeur et chorégraphe du CCN Malandain Ballet Biarritz
- Éric Quilleré, Directeur de la danse de l’Opéra National de Bordeaux
- Xenia Wiest, Directrice artistique du Ballett X Schwerin (Allemagne)
- Iratxe Ansa, Directrice de la compagnie Metamorphosis Dance (Madrid)
- Bruno Heynderickx, Directeur et curateur du Hessisches Staatsballets Wiesbaden
(Allemagne)
- Beate Vollack, Directrice de la danse de l’Opéra national du Capitole de Toulouse

RÉSULTATS
À deriva d’Ana Isabel Casquilho
Prix décerné par le jury : résidence de création et diffusion, lors de la saison 2024-25 au
sein du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux
Blíz de Věra Kvarčáková & Jérémy Galdeano
Prix décerné par le jury : résidence de création et diffusion, lors de la saison 2024-25 au
sein du CCN • Ballet de l’Opéra national du Rhin
Prix des professionnels
Décerné par les critiques de danse et directeurs de théâtre présents lors de la finale doté
de 5 000 € abondé par la Fondation pour la Danse Thierry Malandain - Académie des
beaux-arts.
If you hold him close, you hear soft sweet sounds de Lucia Giarratana
Prix décerné par le jury : résidence de création et diffusion, lors de la saison 2024-25 au
sein du Ballett X à Schwerin (Allemagne) sera également attribuée.
Overload de Manoela Gonçalves
Prix de Biarritz / Caisse des Dépôts décerné par le jury : bourse de 15 000 €
Prix jeune public
Décerné par un jury de 9 jeunes de 18-20 ans, en partenariat avec le Pass Culture
Bourse de 1 000 €.
Second Nature de Benoît Favre
Prix du public

 

Catégories: