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Centquatre : « Foreshadow » d’Alexandre Vantournhout / not standing
Une recherche très formelle qui libère le corps de toutes formes prévisibles, à voir du 4 au 6 avril au Centquatre dans le cadre du Festival Séquence Danse Paris.
Si l’épure est un signe de maturité, Alexander Vantournhout pourra difficilement aller plus loin. Débarrassé de toutes les savantes et absurdes extensions du corps dont il se faisait le champion, dans Aneckxander comme dans Screws, rebondissant sur la corporéité absurde explorée dans Through the Grapevine, le Bruxellois n’aura bientôt plus rien à retirer, si ce n’est le costume. Mais ça, il l’avait déjà fait dans Aneckxander, le solo qui l’avait révélé en 2015 (lire notre critique).
Dans Foreshadow, huit circassiennes et circassiens s’imbibent de génie ingénieur, imbriquant leurs corps des manières les plus surprenantes, qui soient, ouvrant des possibles qui paraissent sans limites. On songe à Merce Cunningham qui jadis employait un logiciel pour repousser les limites de l’imagination cinétique et trouver de nouvelles zones frontières de l’équilibre corporel. A cette échelle, Foreshadow serait le fruit d’une intelligence artificielle, nourrie de toutes les recherches du cirque chorégraphique depuis la pièce fondatrice que fut Le Cri du Caméléon de Josef Nadj, en 1996.
L’entrée en matière apparaît telle une transe : Un cercle tournoie, ne cessant de s’élargir et d’explorer d’invraisemblables imbrications des mains et des bras. On n’est pas loin de La Danse de Matisse, revue à travers la focale des Empty Moves d’Angelin Preljocaj et de la savante mécanique d’un Pierre Pontvianne. Du mouvement pur, à suivre en analysant tous ses arcanes ou en s’abandonnant à son effet hypnotique, comme en contemplant les vagues de la mer, toujours semblables et pourtant toujours différentes. Et même s’il n’y a pas d’envols, pas de trapèze, de mât ou de tissus, Foreshadow est une pièce qui demande aux interprètes une concentration absolue face au danger inhérent de ratage et d’effondrement de l’échafaudage corporel.
En s’accrochant à la paroi du fond, la tête vers le bas ou le corps en horizontale, ou bien au sol, en marchant sur les genoux de l’autre, ils créent des sensations de vertige rien qu’en associant leurs corps à d’autres corps, encore et encore. Tel pied ou tel membre se rallie à telle tête, épaule ou bassin, faisant fi de la gravité grâce à l’énergie des élancements, sans oublier une panoplie des portés les plus stupéfiants.
Toute imprécision serait fatale. Et pourtant, et c’est là une autre surprise de Foreshadow, loin de disparaître derrière la mécanique cinétique, les personnalités de tous ressortent et restent présentes, jusqu’à nous faire quasiment oublier les exploits physiques. A la différence avec le cirque traditionnel, aucun sourire n’est ici artificiel, aucun regard n’est fait pour solliciter des applaudissements interrompant le flux des mouvements. Les tempéraments des uns et des autres sont aussi discernables que leurs corps. Vantournhout appelle sa compagnie not standing, ce qui les prive des la tranquillité de la station debout. Not standing ? Outstanding !
Galerie photo © Bart Grietens
Et le titre ? Suggère des signes avant-coureurs, des prémonitions. Comme si chaque nouvelle imbrication des corps était implicitement annoncée par les précédentes. Cela doit bien être le cas, mais il faudrait avoir les mêmes connaissances de l’anatomie qu’un Alexander Vantournhout pour pouvoir prédire le moindre retournement de corps et de situation entre les interprètes. Il serait plus facile de prédire la forme de la prochaine vague à partir de la houle présente. Aussi Foreshadow laisse présager l’événement rare : On vient d’assister à la naissance d’une référence fondamentale en matière de cirque chorégraphique. Un futur classique du genre.
Thomas Hahn
Biennale de la Danse de Lyon, Théâtre des Célestins, le 22 septembre 2023
Les 4, 5 et 6 avril 2024 à 20h30 au Centquatre-Paris dans le cadre du festival Séquence Danse Paris
Direction artistique : Alexander Vantournhout
Interprètes : Noémi Devaux, Axel Guérin, Patryk Klos, Nick Robaey, Josse Roger, Emmi Väisänen / Margaux Lissandre, Esse Vanderbruggen et Alexander Vantournhout
Dramaturgie : Rudi Laermans et Sébastien Hendrickx
Regard extérieur : Julien Monty
Création costumes : Patti Eggerickx assistée par Isabelle Airaud
Création lumières : Bert Van Dijck
Musique : This Heat
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