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Artdanthé : « Pas de deux » d'Anna-Marija Adomaityte

Un Pas de deux bien particulier à Artdanthé : Anna-Marija Adomaityte creuse à l’intérieur des gestes, des corps et des âmes par une danse répétitive au bord de la faille. 

Un pas peut en cacher un autre et un pas de deux peut en cacher trois. Au moins… Quand Anna-Marija Adomaityte, née en Lituanie et devenue artiste chorégraphique à Genève, appelle un solo contemporain Pas de deux , le choix relève d’emblée d’un grand désir de sobriété. Désir parfaitement comblé, puisqu’ici quelques poses ou mouvements inlassablement répétés et parfois variés suffisent pour ouvrir sur d’insondables mondes intérieurs. 

La danse en creux

Sur un tapis de danse bleu, entourés par le public sur quatre cotés à la manière d’un ring de boxe, Mélissa Guex et Victor Poltier semblent danser un slow voire quelques postures extraites d’un tour de piste en rock’n’roll ou autres danses sociales. Partenaires de danse, de vie, de scène ou de ballet, le couple peut se figer soudainement, entamer un porté, se ressaisir et commencer une nouvelle séquence de va-et-vient en changeant d’état intérieur. Leur vocabulaire varie peu et est pourtant d’une énorme richesse, car évoquant tout un bouquet de relations possibles. 

De la douceur à la violence, tout semble prêt à éclater entre elle et lui, qui la tient par la taille, par derrière. Et puis c’est elle qui repousse la tête de son partenaire sans que le geste aille au bout – comme tous les mouvements de ce Pas de deux où tout se joue entre les lignes. La pièce est donc à lire de façon verticale, si ce n’est en creux. Car au fond, il n’y a que ça ici, à savoir des arrêts et retours qui ouvrent les espaces dans lesquels se cachent les gestes et énergies potentielles, les coups cachés ou fantasmés. Ou bien la danse, tout simplement … 

Qui tient qui ? 

Ce Pas de deux a d’illustres sœurs ou frères. Chez Rodin déjà une pose sculptée, de Nijinski ou de danseuses en mouvement, contient toutes celles à venir [lire notre critique]. Chez Myriam Gourfink, le mouvement atomisé ouvre les mêmes voies vers l’intérieur qu’ici chez Adomaytite. Dans Anatomia publica  de Toméo Vergès, c’est Sandrine Maisonneuve qui dissèque le geste en d’infinis allers retours selon le modèle des films expérimentaux de Martin Arnold. Et The Gyre de la compagnie Tumbleweed [lire notre critique] est tout autant une étude répétitive où la rotation des corps permet de regarder derrière la façade mentale. 

Autour de et la fusion des corps et des âmes, Pas de deux  joue avec les attentes par rapport au ballet, à la liberté d’agir et aux gestes dans l’amour. Quand un index pointe vers le haut on ne sait pas forcément à qui il appartient. Pas non plus, dès qu’on se pose vraiment la question, qui tient et dirige qui, par la taille ou les bras. Ces deux-là ont-ils des sentiments ou sont-ils des robots ? Le tremblement des mains et des bras traduit-il stress, nervosité, épuisement physique ou extase amoureuse ? En posant des questions à répétition, la danse est  au bon endroit, autant qu’Anna-Marija Adomaityte a réussi un pas-de-côté de premier plan. 

Thomas Hahn

Festival Artdanthe, le 18 mars 2023, Salle Panopée (en partenariat avec le festival Trente Trente, Bordeaux)

Concept et chorégraphie : Anna Marija Adomaityte
Collaboration à l’écriture chorégraphique, interprétation : Mélissa Guexet Victor Poltier
Création sonore et lumière : Gautier Teuscher

 

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