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A Pole-Sud, un bouquet de communautés
Lancer une nouvelle saison, ce n’est pas forcément soumettre les propositions à une philosophie ou un thème particuliers. Mais on sent, dans cette programmation qui portera Pôle-Sud jusqu’à la fin de cette année 2021 (et donc jusqu’au début du temps fort L’Année commence avec elles, en janvier 2022), la joie de se retrouver après la longue période de fermeture et de confinements. « La période traversée a aussi été l’occasion de repenser nos métiers, nos acquis, notre relation au public et aux artistes », écrit Joëlle Smadja, la directrice du CDCN de Strasbourg.
Il est donc tout à fait naturel qu’elle ait conçu cette première partie de la saison 21/22 autour de collectifs et de créations qui interrogent notre rapport à la communauté, à travers des récits personnels et des rencontres avec le corps collectif et social.
Par exemple, Christos Papadopoulos. Depuis qu’il interroge le corps social, l’organisation de l’essaim, le rapport au temps et autres structures collectives, le chorégraphe grec devient petit à petit incontournable sur nos scènes. Dans Larsen C, sa nouvelle création, le groupe interroge les limites de la perception. Larsen C se construit sur du mouvement pur, à la recherche de d’une qualité méditative de la contemplation qui pourtant aiguise nos sens.
Si Papadopoulos vient d’Athènes pour travailler sur des interrogations universelles, le Belge Koen Augustijnen a décidé de se rendre en Grèce, continuant ainsi ses voyages autour du bassin méditerranéen. Après sa rencontre avec des danseurs palestiniens (Badke) et sa collaboration avec Omar Rajeh pour une fête chorégraphique et culinaire libanaise (Beytna), le voici en Grèce, comme d’habitude en compagnie artistique de Rosalba Torres Guerrero. De ses multiples voyages sur ces terres, il revient avec une pièce chorégraphique et musicale qu’il intitule Lamenta, puisque dans cette création, neuf danseurs grecs et autant de musiciens prennent contact avec les chants funéraires rituels de la région de l’Épire, au nord de la Grèce. Ce sont des chants qui bercent les enterrements, mais aussi les adieux à la famille en cas de mariage ou d’émigration.
Ce retour aux sources résonne forcément avec le voyage de Hamid Ben Mahi sur les terres de ses parents et ancêtres, que le chorégraphe revit et partage avec nous dans Yellel. Où il cherche le lien avec ces origines, en laissant hip hop et danses traditionnelles se parler à travers les corps d’aujourd’hui, empreints d’urbanité européenne, en toute sincérité. Confirmé par notre rédactrice Sophie Lesort qui y a reconnu « une pièce à la fois émouvante et radieuse /…/ empreinte de générosité, d’humour et d’allégresse » [lire sa critique].
En Afrique du Sud, les danseurs de Moving Into Dance Mophatong font communauté avant même de monter sur un plateau. Ils se lancent ici dans une nouvelle création avec l’inénarrable Robyn Orlin, sans cesse en mouvement entre l’Europe et Johannesbourg, Elle rend ici hommage aux conducteurs de taxis-vélos, les rickshaws zoulous. We wear our wheels with pride – and slap your streets with color… we said “bonjour” to satan in 1820 : Il va de soi que le titre est en soi aussi festif et exubérant que cette revue dansée, chantée et filmée.
Mais il y a un autre genre de communauté. Par exemple, celle de Dorothée Munyaneza – très internationale, mais placée sous le signe de la solidarité féminine. Voilà six femmes, artistes chorégraphiques de trois continents, et en chacune d’entre elles se tisse un maillage de cultures, d’arts et de vocations qui partagent avec nous leurs joies et ténèbres, rires, larmes et danses. Il faut dire que Munyaneza est elle-même autant artiste musicale que chorégraphique et tisse ici de jolies Mailles entre les arts et les êtres.
Chez Georges Appaix, cette complicité entre les interprètes – travaillant ensemble de longue date – comme entre danse, théâtre, musique se teint d’une autodérision joyeuse. Avec XYZ ou comment parvenir à ses fins, le Marseillais met effectivement fin à sa carrière de chorégraphe, non sans prouver une dernière fois sa finesse et son sens de l’humour. Philippe Verrièle lui atteste une « désinvolture gestuelle extrêmement précise dans les rythmes » et « un fonctionnement d’horlogerie aussi réglé que décontracté. » (lire notre critique).
Les deux Marseillais – car Appaix et Munyaneza résident tous les deux dans la cité phocéenne – prônent l’idéal d’un collectif qui est traversé par l’idée du portrait, autre voie vers la rencontre entre interprètes et spectateurs. La création d’Etienne Rochefort, artiste associé à Pole-Sud, avance carrément sous le titre de Portraits et présente quatre danseurs professionnels et quatorze amateurs.
Thomas Hahn
28 au 30 septembre à 19h à Pole Sud : Celebration de Mark Tompkins
Création 2021
Image de preview : Yellel d'Hamid Ben Mahi © J-C Coty CCN de La Rochelle
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