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Danser sur un Volcan au FRAC Fanche-Comté
Le 9 avril, le FRAC Fanche-Comté, installé à Besançon, présentait l'exposition Danser sur un Volcan, suite de son cycle ouvert l'année dernière par Dancing Machine et largement perturbé par ce que l'on sait. Avec la présence marquante d'un agent perturbateur passionnant : le jeune danseur et chorégraphe Alexandre Nadra. il y a juste un an, l'exposition Dancing Machine ouvrait au FRAC de Besançon ; avril 2021, l'exposition Danser sur un volcan ouvre au FRAC de Besançon et celle-ci poursuit la démarche ouverte par celle-là…
Même commissaire, le galeriste et ancien danseur Florent Maubert, même directrice curieuse, Sylvie Zavatta, même lieu. Même le climat, la végétation et l'air frais de ce mois d'avril résonnent comme un certain mois de mars 2020… Et cette nouvelle exposition, qui comme la précédente explore les relations entre les démarches des arts plastiques et l'art chorégraphique, ne diffère guère, a priori, de celle de l'année dernière qu'elle prolonge d'ailleurs…
Si l'on reprend, Dancing machine étudiait la façon dont le corps dépasse ses limites, Danser sur un volcan, les relations du corps à l'espace et aux contraintes extérieures, dont les autres…
Entre les deux, l'exposition monographique consacrée à Cécile Bart, plasticienne qui travaille sur la relation du corps de chacun à l’espace, a laissé une vaste installation de panneaux colorés suspendus dans le hall du FRAC et titrée Les Trapézistes. A cette nuance, le temps semble avoir effacé une année et le public n'a pu apprécier que durant quelques jours les manifestations. Pas certain que cette fois, la foule puisse se presser… Autant apprécier alors l'occasion de cette ouverture en petit comité, qui voit quelques journalistes et professionnels respecter les distances de sécurité dans une exposition qui pose la question des contraintes de l'espace sur les corps : vertigineuse mise en abîme dont les protagonistes ne semblent pas nécessairement avoir conscience.
L'exposition elle-même, prolongeant celle d'il y a un an, présente les mêmes qualités et -partant- les mêmes défauts : elle pioche un peu aléatoirement dans le très vaste réservoir des œuvres contemporaines qui approchent l'univers de la danse par leur préoccupation et leur mise en jeu des problématiques liées au corps, avec quelques brillantes réussites (Forsythe) et un certain sentiment de frustration faute de correspondance en retour vers le monde chorégraphique.
Pour être juste, certaines citations explicites sous forme de vidéo atténuent ce sentiment (duo d' Eden de Magny Marin) mais force est de remarquer que le cartel porte la date de la vidéo -1995 - et non de l'œuvre -1986 - et qu'il ne mentionne pas le nom des danseurs…
Quant aux autres vidéo dites de danse, (par exemple deux œuvres de Simone Forti dont le fameux Huddle, ou Steve Paxton) elles sont choisies dans cette petite frange de la danse qui prend comme paradigme les arts plastiques. On remarquera d'ailleurs la très forte présence de la Judson School et de ces épigones dans cet échantillon nécessairement réduit. Comme si les parallèles d'approche de la question de l'espace par les arts plastiques et la danse ne pouvaient être abordés par les premiers que quand la seconde s'y assujettit… Défaut récurent donc, que le confinement et autres désorganisations consubstentielles à l'époque n'ont pas permis de corriger d'une exposition à l'autre…
A cette nuance que, pour l'ouverture, un accident survient. Un jeune homme se met à l'écart et s'assoit par terre. Il met des chaussures à talons qu'il s'efforce consciencieusement à bander. La référence est évidente. Le jeune danseur, Alexandre Nadra le reconnaît très volontiers : « c'est l'idée de Florent Maubert d'utiliser des chaussures à talons que nous retrouvons dans l'ouverture du parcours et à plusieurs reprises dans le circuit : un clin d’oeil rapide à Cendrillon, mais surtout l’idée d'une trace, d’une histoire d’un moment que le public n’a pu voir, comme celui de se lover à l’intérieur de feutre de Robert Morris pour s’insérer dans l’installation de Klaus Rinke. L’utilisation des talons hauts est au centre d’une réflexion autour de l'évolution de la chaussure dans la danse avec l'utilisation des talonnettes, des chaussons, des pointes... La préparation du début avec les bandes blanches est non-seulement une référence à l'oeuvre d'Alain Buffard, Good Boy mais est aussi un hommage à la préparation des danseuses de ballet, lorsqu'elles doivent les ajuster ou les "casser"».
La visite va s'effectuer en côtoyant le danseur qui intervient à plusieurs reprises : dans De la verticale à l’horizontale, l’installation de Klaus Rinke, sous les pendules de Nowhere and everywhere at the same time, n°3 de Forsythe, entre le The No Title Painting de Steven Parrino et la vaste sculpture de Daniel Firman, Duo (Lodie, Paola, Denis, Amélie, David, Siet, Camille), disposant ses chaussures tout au long du parcours comme une Cendrillon sérieusement décalée qui commenterait l'art contemporain avec assez de pertinence et beaucoup d'impertinence.
Alexandre Nadra - Oeuvre : "Duo (Lodie, Paola, Denis, Amélie, David, Siet, Camille)", 2013 de Daniel Firman - Galerie photo © Blaise Adilon
Ainsi la première intervention : « il y a aussi une référence très claire à l'oeuvre de Bruce Nauman, explique encore Alexandre Nadra, avec Square Dance et Walking in an Exaggerated Manner, fin de années 60. Nous avons tenté de nous inspirer de ces dernières performances en les adaptant à l'oeuvre de Cécile Bart, Les trapézistes, avec laquelle je joue tout au long de la performance : je tente de suivre le tracé initial de Nauman en imaginant la projection des formes de l'oeuvre de Cécile Bart au sol. Je dirais que la première performance est la plus chargée en références, les autres avec Klaus Rinke, William Forsythe et Steven Parrino sont des interprétations plus personnelles. J'ai créé la performance en fonction de ce qu'elles m'évoquaient sur place. Dans l’installation de Klaus Rinke, par exemple, je me suis inséré naturellement : moi qui m’intéresse à l’animalité, je me suis transformé en un « lion en cage », ce qui a surpris Florent qui considérait cette oeuvre avant tout comme une chronophotographie d’un corps en chute plutôt qu’un lieu d’enfermement. »
Alexandre Nadra - Oeuvre : De la verticale à l’horizontale, 1970 de Klaus Rinke - Danser sur un volcan - Galerie photo © Blaise Adilon
Ce jeune chorégraphe, élève du CNSMD de Lyon, danseur pour Alexandre Roccoli et Gilles Verièpe et qui développe par ailleurs son propre travail (un solo intitulé Neo-lithic man), n'a pas particulièrement étudié ni développé la performance. Le commissaire de l'exposition, Florent Maubert a rencontré le danseur il y a deux ans, mais sans que ce dernier intervienne dans l'organisation de l'exposition. Il explique : « j'ai préalablement eu des temps de réflexion avec Florent sur ce qui était possible de construire avec les oeuvres de la façon la plus cohérente possible dans une idée de marche déambulatoire, d'un circuit. J'ai pu concevoir les performances en analysant d'abord les oeuvres et en m'appuyant sur mes propres recherches. Puis c'est dans un échange d'idées entre mes références et celles de Florent que nous avons conçu cette proposition. »
Les interventions d'Alexandre Nadra forment une manière de commentaire ironique, ramenant la part d'humanité avec sa capacité de détournement et de liberté. Sensation d'autant plus forte que d'autres performances, conçues par Micha Laury (artiste multidisciplinaire israélien installé en France depuis 1974, qui conçoit et dessine ses performances de façon très graphique) survenaient de manière plus « convenues », comme des points de rencontres, ainsi un homme qui tombe d'une échelle, un couple qui s'embrasse à perdre le souffle ou qui explorent toute les possibilités offertes par des tables et des chaises.
Performances conçues par Micha Laury - Galerie photo © D.R
Mais « la danse règne sur le bois blanc » écrit Benjamin Péret, et c'est bien ce que rappelle les interventions délicatement moqueuses et distanciées d'Alexandre Nadra. Sans jamais instrumentaliser le corps -sans en faire une matière, même à réflexion- il suggère de regarder autrement et réintroduit de l'humain dans la substance, au point que l'on pourrait souhaiter un rendez-vous régulier qui permette à des spectateurs de visiter cette expositions avec ce médiateur singulier.
On devrait cependant -si tout va bien- revoir ces performances le 12 juin et à d'autres occasions…
Philippe Verrièle
A voir, si l'on peut et peut-être, au FRAC Fanche-Comté, à Besançon, jusqu'au 20 septembre.
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