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Décès de Zizi Jeanmaire
Zizi Jeanmaire, née le 29 avril 1924 est décédée le 17 juillet 2020 à l’âge de 96 ans à Tolochenaz dans le canton de Vaud.
« A l’instant où j’ai posé ma main sur la barre, et où je me suis placée en première position la danse m’a conquise pour la vie » racontait Zizi, alors Renée Jeanmaire, admise en 1933, à neuf ans à l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris, dans la classe de Mademoiselle Cesbron. Elle se dit alors fascinée par chaque pas, chaque mouvement de bras, chaque geste de la main. Les classes étaient mixtes. Elle y travaille en compagnie d’un certain Roland Petit. Elle note aussi qu’à l’époque, il y avait encore des « abonnés » qui entretenaient « leurs » danseuses ! Elle a alors pour modèle et pour « petite mère » Yvette Chauviré. C’est elle qui l’emmène prendre des cours chez Boris Kniaseff. Renée a quinze ans et Yvette vient juste d’être nommée étoile. Boris Kniaseff était un maître fantasque, aux colères légendaires, d’une exigence redoutable. « Il hypnotisait les élèves. Il imposait un travail en profondeur, une mise à nu. Il faisait exécuter des exercices et des enchaînements que l’on n’avait jamais vus. » Il était connu pour allonger les lignes des danseuses et des danseurs. C’est chez lui que Roland commence à regarder celle qui deviendra Zizi, sa muse et son épouse. « Sa puissante personnalité me fascinait » avouera-t-elle. En 1944, classée troisième des coryphées lors de l’examen de l’Opéra de Paris, ce qu’elle considère comme injuste, elle claque la porte et entre comme soliste aux Ballets de Monte-Carlo où Lifar créée pour elle Aubade, puis dans l’Original Ballet Russe. Quelques mois plus tard, Roland Petit donne sa démission. Ils dansent ensemble l’adage de La Belle au bois dormant et une chorégraphie de Roland sur une musique de Duke Ellington au Théâtre Sarah Bernhardt en 1945. Mais c’est seulement en 1947 qu’elle rejoint les Ballets de Paris dirigés par Roland Petit. Elle crée Que le Diable l’emporte. Et puis… « Lors de la tournée en Allemagne, j’entends plusieurs danseurs raconter que, pour Londres, Roland prépare un ballet inspiré de Carmen (…). Je m’arrange pour rester un moment en tête à tête avec Roland et lui demande qui va danser son nouveau ballet. Il me regarde et me répond “ je n’en sais encore rien“ (…) je lui dit en le regardant dans les yeux “Carmen, c’est moi ! “ ». A l’issue d’une des dernières répétitions il lui fait couper les cheveux car il désire « une Carmen androgyne ». On connaît la suite. La création de Carmen à Londres est un triomphe.
Zizi dira du ballet qu’il l’a révélée à elle-même et que c’est à ce moment qu’elle est tombée « éperdument amoureuse de Roland Petit ». Ils partent en tournée à New York et aux Etats-Unis. Elle débute dans la chanson avec La croqueuse de diamants. Là encore, elle doit « épater » Roland Petit pour décrocher le rôle, qui tournera avec succès aux Etats-Unis. En ce début des années 50, Zizi et la compagnie sont plus souvent aux Etats-Unis qu’en France. Howard Hughes veut l’engager, elle impose l’ensemble de la compagnie pour un film sur Carmen. Zizi et Roland signent un contrat de sept ans avec RKO. Mais c’est Sam Goldwyn qui la nommera définitivement Zizi en inscrivant sur l’affiche du film Hans Christian Andersen « Zizi Jeanmaire » en 1952. A la fin du tournage. Zizi et Roland rentrent à Paris mais leurs rapports sont tendus. Zizi quitte la compagnie et retourne à New York. Elle chante à Broadway dans The Girl in Pink Tights. Après de nombreuses brouilles et une séparation, ils se retrouvent à Los Angeles, elle l’épouse en 1954. Leur fille Valentine naît en 1955. La même année elle joue dans le film Anything Goes de Robert Lewis avec Bing Crosby.
Elle tourne dans Folies-Bergère et dans Charmants Garçons de Henri Decoin, puis elle joue dans Guinguette et Patron, une opérette de Marcelle Aymé et, en 1959, danse Cyrano de Bergerac avec les Ballets de Paris pour lequel Yves Saint-Laurent fait ses premiers costumes. Après une nouvelle parenthèse Hollywoodienne où elle tourne Black Tights de Terence Young, elle reprend Carmen et La Croqueuse de Diamants. Enfin, en 1961, Roland crée Revue, à l’Alhambra dans des costumes extravagants de Saint-Laurent où elle chante pour la première fois Mon truc en plumes. Jean Vilar invite alors le couple à Chaillot pour donner le show en 1963. Remanié, il se compose de danses et de chansons. Zizi y danse avec Félix Blaska, les costumes et décors sont signés Saint-Laurent. En 1965 elle joue La Dame de chez Maxim de Feydeau avec des comédiens chevronnés. En 1967, Rudolf Noureev vient spécialement de Londres la voir dans ce rôle. Il lui propose de danser avec lui Le Jeune Homme et la Mort pour le cinéma. Ce qu’elle accepte. Puis en 1970 Roland Petit reprend le Casino de Paris. Zizi y mènera deux revues inoubliables pendant quatre ans La Revue et Zizi je t’aime. En 1972, Zizi et Roland créent le Ballet de Marseille qui parcourra le monde jusqu’en 1998.
Entretemps, Zizi alternera tours de chants, ballets – elle reviendra même à l’Opéra de Paris en 1975 pour danser La Symphonie fantastique –, émissions de télés. Elle créera La Chauve-Souris de Roland Petit en 1979, tournera Carmen, cette fois avec Mikhaïl Barychnikov en 1980, retournera à Broadway pour la revue Cancan en 1981. En 1995 elle sera sur la scène du Zénith dans Zizi au Zénith en coproduction avec le Ballet national de Marseille sur des musiques de Serge Gainsbourg. Elle donnera son dernier récital en 2000 à l’amphithéâtre de l’Opéra Bastille. Elle aura été star de cinéma, meneuse de revue, chanteuse, comédienne… Mais surtout une danseuse et une interprète des ballets de Roland Petit inoubliable. Avec ses jambes légendaires, sa ligne parfaite, et son sex appeal insensé, elle a créé une Carmen inégalable, d’un érotisme torride. Mais surtout, elle a ouvert la voie à une nouvelle génération de danseuses classiques, en incarnant non plus la ballerine en tutu, mais une femme de son temps, avec son tempérament et ses audaces. Sa technique, travaillée avec Kniaseff, a définitivement imposé une tenue du corps plus tonique, allongé la ligne des jambes, basculé le bassin vers l’avant, rompu avec des fioritures inutiles. Bref, elle a créé la danseuse moderne telle que nous la connaisons aujourd’hui. Mais laissons le mot de la fin à Boris Vian : « Elle a des jambes plus longues que son corps… Elle a des yeux à vider un couvent de trappistes en cinq minutes. Elle a une voix comme on n’en fait qu’à Paris. Cette sirène canaille est aussi une danseuse divine, une vraie force de la nature ».
Agnès Izrine
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