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L’effet divers de Faits d’Hiver
Le Festival Faits d’Hiver se déroule cette année du 13 janvier au 8 février et la petite manifestation initiale a beaucoup changé tout en restant un événement particulièrement ouvert sur la création, la mise en avant d’auteurs singuliers et de propositions qui ne le sont pas moins.
Parti en 1999 d’une petite salle du dix-huitième arrondissement parisien, Faits d’Hiver qui engage sa 22e campagne, fera cette année son nid dans douze théâtres ou lieux différents, à Paris, Vanves et Créteil, pour 36 représentations de 16 compagnies…
Et si le théâtre d’opérations a singulièrement évolué depuis l’origine, l’esprit demeure, particulièrement un attachement à l’œuvre dansée et à son auteur, le chorégraphe, indépendamment de toutes considérations de générations ou de styles, qui fait l’identité de la manifestation, mais les changements sont sensibles. A commencer par celui du statut de la manifestation et le sentiment diffus que ce qui se joue aujourd’hui, dans Faits d’Hiver, est un peu particulier.
« Toutes les éditions sont particulières », s’amuse Christophe Martin, son directeur artistique qui précise, « ce n’est pas une formule : comme le festival n'est pas une thématique ou un principe, je suis toujours étonné à la fin de découvrir ce que l’édition recelait. » Mais pour peu que l’on insiste un peu, il reconnaît cependant que cette présente édition possède un caractère notable en ce qu’elle manifeste que le festival poursuit une montée en puissance qui n’était ni voulue ni vraiment prévisible.
« Nous restons un festival de création, mais c’est un peu en étant victime de la situation parisienne. C’est un avantage et un fardeau. Beaucoup de théâtres et d’institutions programment et font vivre la danse dans les régions ; certains chorégraphes ont décidé de ne pas chercher absolument à passer par Paris pour développer leur carrière. Il n’y a pas assez de théâtres dans la capitale pour accueillir toute la danse qui se passe en régions, et pourtant, il reste important pour les chorégraphes, à tort ou à raison, d’être vus à Paris ».
Faits d’Hiver reste l’une des opportunités précieuses pour accéder à cette visibilité. L’étrange sensation de cohérence incohérente du programme tient à cette série de paradoxes : un petit festival mais devenu très important ; très parisien mais totalement ouvert sur l’ensemble de la création et débordant maintenant les frontières de la capitale pour s’aventurer dans la couronne péri-urbaine (la région Ile-de-France soutient -20000€- pour la première année le festival, notamment pour sa collaboration avec de petits lieux). Une manifestation sans ligne artistique revendiquée mais où une ligne esthétique forte s’impose.
Car quels traits peuvent partager Georges Appaix et Leïla Ka ? Le premier, soixante-six ans, Marseillais féru de mots jusqu’à avoir pensé son œuvre comme un abécédaire, arrive à la fin de son parcours. XYZ, ou comment parvenir à ses fins, (création du 4 au 7 février à la Mac de Créteil), exprime clairement, ne serait-ce qu’en son titre, clore le parcours engagé par Antiquité (1985)... jusqu’à What do you think ? en 2017, et donc la fin de l'alaphabet. (lire notre critique)
La seconde, toute jeune chorégraphe d'à peine trente ans venue de Saint-Nazaire, se en est à sa troisième pièce depuis 2018. Elle se débarrasse de la gangue des formes et s'aventure dans quelques essais. La soirée qu’elle partage avec Nach, la Krumpeuse en pleine expérimentation japonaise, (Beloved Shadows - lire notre critique) le 21 janvier à la MPAA s’annonce passionnante…
Pourtant entre Appaix et Ka, entre l’entrée dans la carrière et la négociation pour en sortir, une même conviction d’une œuvre à tenir et d’un propos à affirmer. La richesse de Faits d’Hiver est là. On aurait pu faire le même constat d’écarts et de surprenante proximité entre Bernardo Montet (Mon âme pour un baiser - lire notre critique- les 13 et 14 à micadanses) où le chorégraphe confie à trois véritables guerrières sa vision d’un monde pluriel et Camille Mutel (Not I, 28 et 29 janvier au Point Ephémère), en solo et plutôt taiseuse, engagée dans une introspection sans concession.
Et pourtant, Bernardo Montet marqué profondément par Kazuo Ohno ne cache pas la part d’intériorité que le Japon lui a révélé et Camille Mutel revient de Kujoyama… Les cohérences pour être secrètes, n’en sont pas moins fortes…
« Je suis incapable de répondre à cette question, se justifie Christophe Martin, mais dans ses choix, il faut faire attention à des propositions surprenantes, comme celle de Lenio Kaklea (Encyclopédie pratique. Détours, du 30 janvier au 1 février au Centre Pompidou) parce que cette recherche sociologique sur le geste et les habitudes intimes promet d’être passionnante et offre un rendez-vous avec une chorégraphe en pleine reconnaissance. Il faut aussi regarder la soirée partagée du 3 février au théâtre de Vanves, parce que Christine Armanger (MMDCD) d’une part et Sarah Crépin & Etienne Cuppens (Solo 00) d’autre part, offrent deux univers d’une grande puissance imaginaire. »
Il faut entendre aussi qu’un festival qui fait une telle part aux créations (12 sur 16 propositions !) suppose un peu de goût du risque du côté des spectateurs. Alors proposons une autre approche, paradoxale également puisqu’il y a dans Faits d’hiver un penchant fort pour le paradoxe : un parcours spécialement étudié de pièces qui ne sont pas des créations. Par exemple, la très décapante Teresa Vittucci qui dans Hate me, Tender (15 et 16 janvier, Centre Culturel Suisse) fait de la Vierge une figure Queer ! Ou Structure-couple : Bakstrit de Lotus Eddé Khouri & Christophe Macé (Le Socle les 28 et 29 janvier), mais dans ce cas, il faudra affronter l’extérieur, ce qui en janvier peut piquer légèrement !
Quand au très raffiné et imprévisible Daniel Linehan, son sspeciess (6 et 7 février, Théâtre de la cité internationnale) ne sera pas une création pour Faits d’hiver. Il aura été créé dix jours avant. Décidément, on ne se refait pas !
Philippe Verrièle
Faits d’hiver, du 13 janvier au 8 février, dans 12 lieux :
Micadanses (Paris 4e) ; Centre culturel suisse (Paris 4e) ; Espace Culturel Bertin Poirée (Paris 1e) ; Théâtre de la Cité internationale (Paris 14e) ; MPAA / Saint Germain (Paris 6e) ; Le Carreau du Temple (Paris 3e) ; Atelier de Paris / CDCN (Paris 12e) ; Point Éphémère (Paris 10e) ; Le Socle (Paris 4e) ; Centre Pompidou (Paris 4e) ; Théâtre de Vanves (92) ; MACCRETEIL (94)
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