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« The Falling Stardust » d’Amala Dianor

Avec cette pièce pour neuf interprètes, Amala Dianor change d’échelle et intègre la danse classique dans son melting pot chorégraphique. Au festival Montpellier Danse les 23 et 24 juin prochains.

Artiste associé au CDCN Pole-Sud, Amala Dianor poursuit un chemin qui l’amène vers des horizons toujours plus larges. Si ses racines chorégraphiques ont poussé dans les sols urbains français, le jeune chorégraphe aux bottes de sept-lieues puise autant dans ses racines culturelles qui portent jusqu’au Sénégal. Il a goûté avec enthousiasme à la danse contemporaine, en tant qu’interprète chez Emanuel Gat et Aïsha M’Barek/Hafiz Dhaou et a fait se croiser, dans un trio, des danseurs de trois continents (géographiques autant qu’artistiques) ou bien d’autant de générations artistiques du hip hop.

Autant dire qu’il en vient naturellement à s’intéresser aujourd’hui à la danse classique. The Falling Stardust scelle sa rencontre avec sept danseuses et deux danseurs, issu.e.s de divers pays et autant d’écoles ou conservatoires et bien sûr de genres chorégraphiques. Ici, il voulait avant tout « inviter des danseurs qui ont une réelle maîtrise d’une technique dansée, que ce soit la danse contemporaine, la danse classique ou le hip hop, et qui évoluent généralement dans des spectacles basés sur une seule technique, à se révéler autrement. » [lire notre interview]

Hip hop et ballet, compagnons de route

Le ballet et le hip hop ne cessent de se croiser, dans un respect mutuel manifeste depuis l’avènement de la danse urbaine d’auteur. Chaque univers a ses danseurs étoiles, ses concours de virtuosité, ses figures et son vocabulaire à la définition précise et un public qui regarde avec le cœur. La différence fondamentale entre les deux tient dans l’orientation. En breakdance, l’axe majeur est d’orientation horizontale, avec un ancrage fort dans le sol. Le ballet, lui, laisse une large place à la verticalité et à la lévitation. Les deux galaxies ainsi définies peuvent cependant dialoguer, et le hip hop s’intéresse de plus en plus à la lévitation. En témoignent, tout récemment encore, les nouvelles créations de Mourad Merzouki et de Wang Ramirez.

The Falling Stardust s’inscrit pleinement dans ce dialogue, lequel s’inscrit à son tour dans les corps des neuf interprètes aux origines et morphologies très diverses. Amala voulait ici amener  les danseuses et danseurs « sur un terrain où ils sont quelque peu fragilisés, car ce n’est plus leur virtuosité qui prime. » Mais c’est bien difficile, pour la bonne raison que la formation des interprètes, dès la sortie d’un conservatoire, leur lègue un bagage technique et une virtuosité impressionnants. Et c’est aussi ce qui fait la force de cette nouvelle création d’Amala Dianor.

Galerie photo © Jeff Rebillon

Voyage mystique

La variété du vocabulaire, la souplesse dans le passage d’un registre à l’autre, la capacité à fusionner les styles et à former un ensemble homogène sont le carburant de ce voyage mystique. Ce n’est donc pas l’énergie qui manque, ni la variation en matière de postures et de constellations des corps. On se demande plutôt s’il y a un pilote dans la navette spatiale, au sol ou entre les pages de cette épopée. Dianor et ses interprètes nous donnent à voir une communauté sous influence, qui erre, qui se déchire et qui vénère une imposante présence, suspendue au-dessus de leurs têtes.

Le plasticien Clément Debras a imaginé et réalisé un débris spatial à caractère tranchant et mystérieux, une sorte d’œil magique, tel un flocon de neige ou de poussière d’étoile, regardé sous un microscope, ouvert à des myriades d’interprétations. Mais une force irrésistible émane incontestablement de cet objet affublé de néons qui se mettent parfois à clignoter sans crier gare. Au sol, la communauté passe par des états de cohésion divers et variés. Les bras tranchent l’air et l’espace comme pour rendre hommage à Preljocaj. Mais seule la divinité ébréchée pourrait s’inviter dans l’univers du maître. Les jeunes ballerines peuvent se jeter dans la pose de Carolyn Carlson, face au vent, dans Blue Lady. Les figures du hip hop nourrissent une énergie qui explose dans des sauts sur place. Ce sont les moments les plus chargés de The Falling Stardust.  

Poussière dispersée

Non, ce n’est pas la passion qui manque pour nourrir l’hybridation et la virtuosité côté danse, plastique ou musical. Awir Leon, bien connu de chez Emanuel Gat où il fut d’abord danseur, puis compositeur, signe une partition qui rebondit sur le dialogue dansé entre classique et jeunesse. La pièce débite sur un dialogue fascinant entre partition symphonique et boucles électro-acoustiques, qui laisse place à un millefeuille de strates sonores, finement articulées.

Mais autant que Dianor pourrait aisément rebondir sur cette partition dynamique et vivante, le récit ne se construit pas. L’aventure de cette communauté ressemble à des pages isolées d’une légende, où de nombreux creux empêchent l’histoire de décoller. Est-ce donc une pièce atmosphérique, voire abstraite? De ce côté aussi, l’alchimie reste à trouver pour fédérer une poussière d’étoiles qui brille, mais se disperse, la main du dieu chorégraphe ne sachant pas encore dans quelle direction elle souhaite guider son cheptel dansant. Il va falloir trancher, puisque la pièce est appelée à tracer sa route, d’ici au Festival Montpellier Danse 2019...

Thomas Hahn

Vu le 16 janvier 2019. Strasbourg, Théâtre de Hautepierre, saison 18/19 de Pole-Sud, CDCN

Festival Montpellier Danse - Dimanche 23 et lundi 24 juin 2019 à 22h
Théâtre de l'Agora - Agora Cité Internationale de la Danse - Montpellier

 

Chorégraphie : Amala Dianor

Avec : Mourad Bouayad, Lucie Dubois, Baptiste Lenoir, Charlotte Louvel, Sandra Mercky, Keyla Ramos, Yukie Spruijt, Jeanne Stuart, Elena Thomas

Musique : Awir Leon
Scénographie et costumes : Clément Debras
Lumières : Xavier Lazarinni
Régie générale : Nicolas Tallec
Régie  plateau : David Normand
Régie son : Christophe Zurfluh

 

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