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« Nijinski » de Marco Goecke
Il est rare qu’un spectacle de danse commence par une présentation de la pièce à venir. Et c’est l’une des surprises de ce Nijinsky relu par le chorégraphe allemand Marco Goecke, et interprété par la Gauthier Dance. C’est d’ailleurs le directeur de la compagnie, le Canadien Eric Gauthier, qui se charge de l’exposé, avec un sens louable de la pédagogie. En préambule, il explique comment, ex danseur du Ballet de Stuttgart, il a créé il y a dix ans cette jeune troupe avec alors six recrues seulement. Riche aujourd’hui de seize danseurs, elle dépend du Theaterhaus de Stuttgart et interprète des œuvres de son fondateur, comme celles d’autres chorégraphes.
Parmi ces derniers figure Marco Goecke, qui avait déjà créé un Spectre de la Rose en 2009 pour les ballets de Monte-Carlo, après avoir reçu en 2006 par le Monaco Dance Forum le prix Nijinski du chorégraphe émergent. Il revient donc avec ce Nijinski ( !) dont la première a eu lieu en juin 2016 à Stuttgart, auquel les explications obligeamment données avant le lever de rideau apportent un éclairage bienvenu.
Galerie photo © Régina Brocke
On y retrouve la gestuelle saccadée - entre expressionnisme années trente, mime et films muets - qui est la signature même du chorégraphe. Elle est ici au service d’une évocation en un prologue et deux actes de la vie et la personnalité de Nijinski, depuis son éveil à la danse et sa rencontre avec Diaghilev jusqu’à son basculement dans la folie, en passant par les réminiscences de ses trois grands rôles : L’Après-midi d’un faune, Petrouchka et Le Spectre de la rose. Pas sûr, sans l’annonce préalable des différents épisodes - et surtout des sous épisodes - qu’on les eût tous identifiés au fil de la narration chorégraphique.
D’autant que, hormis Diaghilev avec son pardessus à fourrure et sa canne, la muse Terpsichore, la mère de Nijinski, et Romola qui deviendra son épouse, les personnages, vêtus de pantalons noirs et chemises grises, sont plus ou moins interchangeables. Les concertos pour piano de Chopin accompagnent un flux incessant de scènes et de mouvements - surtout du haut du corps - qui finit par embrouiller quelque peu.
On peut légitimement trouver lassant ce défilé de moulinets des bras et d’images à la Murnau. Mais on doit reconnaître à Goecke un incontestable talent à imposer sa vision, même exacerbée, du génie fulgurant de Nijinski. Ce dernier est magnifiquement interprété par l’Italien Rosario Guerra qui, pour cette performance, a obtenu le prix Danza & Danza 2016. Dès les premiers tableaux, il porte sur son visage les signes de la démence qui s’emparera plus tard du danseur. Quelles que soient les réserves émises sur les partis pris esthétiques du ballet, sa prestation totale est pour beaucoup dans l’attrait qu’exerce cette œuvre singulière.
Isabelle Calabre
Vu le 14 décembre à la Salle Garnier de l’Opéra de Monaco
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