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« Hadra » d’Alexandre Roccoli et « Drugs kept me alive » de Jan Fabre

Au Conservatoire du Grand Chalon cette 15ème édition du Festival Instances s’est clôturée avec une intéressante création d’Alexandre Roccoli et l’étourdissant Antony Rizzi dans une œuvre de Jan Fabre.

Dans le studio du Conservatoire, le public s’assoit parterre tout autour du plateau pour Hadra chorégraphié par Alexandre Roccoli. Au centre du tapis de sol recouvert de lignes blanches géométriques et sous une lumière rouge, donc assez sombre, est couché Yassine Aboulakoul.Torse nu, le danseur commence à se mouvoir en douceur accompagné par une musique composée par Benoist Esté et mixée en direct par le DJ Benoist Bouvot.

De soubresauts en soubresauts, le geste commence à se délier puis la danse s’installe une fois l’interprète debout qui frôle les spectateurs comme pour en saisir les énergies. Ses mouvements lancinants répétitifs et très dansés sont extrêmement purs. Il maitrise à la fois son corps, mais aussi son âme tant il est aisé de ressentir ses émotions qu’il fait transpirer aux rythmes imposés par les sons.

Lumineux, très bel homme, Yassine ne triche pas. Les yeux fermés, il s’imprègne ensuite des cadences de plus en plus rapides. Il semble ne plus rien gérer et baisse son torse comme le font ceux qui entrent en transe. Le public, surtout composé de jeunes, est si près du danseur que ce passage de l’état de conscience à l’inconscience est palpable. Un grand silence règne, la pression monte. Yassine tourne, se tord, tourne…

« Le mot hadra se réfère à la parole ou à une présence forte » explique Alexandre Roccoli (lire notre entretien) Tout y est dans cet ouvrage puissant et sensuel où le vertige de la danse tisse les états d’âmes d’un être humain.

Il fallait vraiment oser clore Instances avec une œuvre telle que Drugs kept me alive (les drogues m’ont maintenu en vie) de Jan Fabre avec Antony Rizzi. Et justement, Philippe Buquet, le directeur de l’Espace des Arts et Géraud Malard, conseiller artistique danse, n’ont reculé devant rien étant donné que la pièce fut, en plus, jouée dans l’auditorium du Conservatoire, c'est-à-dire devant un public majoritairement composé de jeunes adultes.

Galerie photo © W Bergman

Il s’agit d’un monologue en anglais surtitré qui raconte l’histoire d’un survivant qui explore toutes les issues de secours, l’aiguille de sa boussole continuellement tournée vers les raccourcis entre le ciel et l’enfer, pour toujours avoir une longueur d’avance sur la menace de la Faucheuse. Sa rapidité est sa meilleure arme, son humour un médicament puissant et ses acolytes répondent à des noms illustres issus des sphères supérieures, tels que : ecstasy, kétamine, GBH, poppers, speed, cocaïne, 2C-B, 2C-1, 2C- 7…

Sur le plateau cerné de petites bouteilles de tailles différentes placées certainement très méticuleusement,  Antony Rizzi va pendant une heure conter ses différentes réactions après l’absorption de produits illicites avec un sens de l’autodérision plutôt exceptionnel et des pas de danse absolument sublimes.

Non seulement il possède une immense présence mais il est aussi un excellent comédien et, en tant qu’ancien danseur de Forsythe, chaque mouvement de bras, tours et déplacements sont un ravissement. Oui, ravissement alors que ses mots sont plutôt tragiques. C’est justement tout ce qui compose un chef-d’œuvre.

Galerie photo © W Bergman

De fil en aiguille, le sol se rempli d’un tohu-bohu inimaginable où il devient plus difficile de se mouvoir. Le public est scotché à son siège tant les manipulations sont d’un humour redoutable, le désir de l’ivresse et l’extase définies par d’immenses bulles de savons créées par l’interprète et le royaume des ombres fini par se mêler au gouffre de la mort.

Cette pièce autobiographique d’Antony Rizzi créée en 2012 ajoutée au paraphe  de Jan Fabre font que Drugs kept me alive est un véritable bijou où la dérision et le déraisonnable trament un drame sur la survie à tout prix.

Finale audacieuse en beauté de cette 15 ème édition d’Instances avec des spectateurs totalement conquis.

Sophie Lesort

Spectacles vus à Chalon-sur-Saône le 22 novembre

Hadra : Chorégraphie Alexandre Roccoli / danse Yassine Aboulakoul / composition Benoist Esté/ DJ Benoist Bouvot.

Drugs kept me alive : Texte, chorégraphie, scénographie Jan Fabre / interprète Antony Rizzi / dramaturgie Miet Martens / musique Dimitri Brusselmans / costume Andrea Kränzlin / régie générale Geert Van der Auwera / technique Tim Thielemans

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