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Festival de Marseille #22
Les retrouvailles avec Bruno Beltrao et Boyzie Cekwana marquent le Festival de Marseille qui partage un focus Afrique avec le Festival d’Avignon.
Avec deux créations (sur cinq au total), une première européenne et trois premières françaises, la danse joue quelques beaux atouts dans cette 22e édition du Festival de Marseille. Présenté sous l’étiquette Danse + arts multiples, la programmation de Jan Goossens inclut les premières d’un programme pour sept chorégraphes par le Ballet National de Marseille et la nouvelle création de Georges Appaix.
Georges Appaix : What do you think ?
Marseillais pur jus et « danseur par effraction », il s’entoure de cinq autres énergumènes chorégraphiques, dont Carlotta Sagna et Alessandro Bernardeschi. Comme à son habitude, Appaix écrit quelques textes sur un mode ludique et humoristique, en complicité avec les interprètes. Et il sera sur scène, avec eux, pour mettre la pensée en mouvement, sous le titre What do you think? Car voilà la mère de toutes les questions, dès qu’on se trouve face à quelqu’un, que ce soit dans le métro, dans une négociation ou en jouant aux échecs: Que se passe-t-il dans ta tête? Heureusement que tout ça peut se danser !
Boyzie Cekwana : The Last King of Kakfontein
Appaix nous rappelle Pierre Desproges qui disait: « Je ne suis pas un artiste engagé, je suis un artiste dégagé. » C’est tout le contraire de Boyzie Cekwana, pas vu chez nous depuis plusieurs années. Le revoilà avec une pièce qui s’annonce ubuesque: The Last King of Kakfontein. Ca fait joli et invite à imaginer une sorte de Versailles tombé entre les mains de Dieudonné Mbala Mbala ou d’une caste familiale française ou bien trumpienne.
Mais à bien y regarder, le titre nous suggère une fontaine de caca. Et ce n’est pas la première fois que Cekwana montre qu’il a l’étoffe d’un Jarry de la danse. Sa nouvelle pièce vise Donald Trump et tous les autres « nouveaux dictateurs », qui sabordent la démocratie, à commencer par ceux de l’Afrique du Sud, pays natal de Cekwana. Il nous rappelle donc les chants et danses de lutte politique de l’époque où la population noire de Johannesbourg luttait pour ses droits et pour la démocratie. Boyzie est un artiste engagé, de toutes ses forces.
Bruno Beltrao : Inoah
Autres retrouvailles: Celles avec Bruno Beltrao qui vient avec Inoah, sa nouvelle pièce toute fraîche qu’il vient de présenter au festival Theater der Welt à Hambourg et qui arrive directement à Marseille. Cette nouvelle recherche de Beltrao, clairement une histoire de villes portuaires, par nature ouvertes sur le monde. Pour cette nouvelle pièce, nommée comme la ville près de Rio où la compagnie vient de s’installer, ils ont cherché à modifier les paramètres habituels du hip hop pour créer des mouvements qui appellent au contact avec l’autre. Et ils se sont immergés dans l’eau pour créer des sauts d’une facture nouvelle et particulière, des sauts qui donnent une impression d’apesanteur, délicieuse et puissante à la fois.
Focus Marseille
Il n’y a pas que Georges Appaix au programme, pour représenter l’esprit de la Cité Phocéenne. Pour le Ballet National de Marseille, Emio Greco et Pieter C. Scholten ont invité sept chorégraphes qui signent chacun une pièce courte dans laquelle ils mettent en évidence leurs propres nécessités chorégraphiques les plus brûlantes et intimes. Histoire, pour Greco et Scholten, à entraîner d’autres dans leur manifeste des 7 Nécessités et leur axe de travail autour du Corps en révolte. Les sept chorégraphes sont Nacera Belaza, Eric Minh Cuong Castaing, Joeri Dubbe, Faustin Linyekula, Ayelen Parolin, Ula Sickle et Amos Ben-Tal.
Certains spectacles permettent au Marseillais d’aller à la rencontre des interprètes, voire de participer directement à l’événement. Nacera Belaza propose sa Procession au Mucem [lire notre critique] et Bratt Bailey, très remarqué pour son spectacle-exposition Exhibit B, propose cette fois un labyrinthe-refuge qui peut prendre des airs de prison ou de sanctuaire. D’où le titre : Sanctuary.
Le public y fait face à des migrants réels. Huit tableaux ou scénarios permettent de prendre la mesure du réel, autrement caché dans la ville. Ici, impossible de détourner le regard. Les réfugiés sont bien là, face à vous.
Beaucoup plus festif : Le Rito de Primavera du Chilien José Vidal, où personne n’est sacrifié. Au contraire, les quarante danseurs, à moitié chiliens et à moitié Marseillais, invitent à transformer le Sacre du Printemps en fête partagée avec le public.
FdM 2017 l RITO DE PRIMAVERA - José Vidal from Festival De Marseille on Vimeo.
Focus Afrique subsaharienne
Et on arrive au point de divergence, le focus de la discorde, partagé avec le Festival d’Avignon. Quelques artistes, l’auteur Dieudonné Niangouna avant tout, contestent l’absence de théâtre africain au Festival d’Avignon et la présentation des créations chorégraphiques ou musicales et poétiques, dans un focus dédié. Mais Marseille est un festival de danse avant tout. Jan Goossens a choisi Samedi détente de Dorothée Munyaneza (mais Munyaneza, aujourd’hui Marseillaise, fait également partie du Focus Marseille !), Boyzie Cekwana, Kalakuta Republic de Serge-Aimé Coulibaly [lire notre critique].
Derrière la question à savoir s’il faut présenter les artistes africains dans des focus dédiés, pointe la question du statut de leurs pays face à l’Occident et à la Chine. Deux rendez-vous permettront d’en débattre. Felwine Sarr, libre penseur, historien, économiste, philosophe, poète et dramaturge, donnera une conférence dans laquelle il propose changer le focus du regard sur l’Afrique et l’injonction du « développement ». Et une table ronde débattra de l’état e la création artistique en Afrique.
Thomas Hahn
Festival de Marseille du 15 juin au 9 juillet
Image de preview : Brett Bailey Santuary © D.R
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