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Strasbourg : Extradanse

La nouvelle édition du festival Extradanse de Pôle-Sud qui se déroulera du 3 au 17 mai, met l’accent sur le vivre-ensemble et la réinterprétation des codes et des traditions.

La nouvelle édition d’Extradanse présente un mélange composé, en connaissance de cause, de repères dans un paysage chorégraphique bouillonnant. On y trouve ceux qui abordent le spectacle de danse par la composition chorégraphique, comme la génération Rizzo et Greco/Scholten. Et il y a la relève, représentée par Alessandro Sciarroni et Amala Dianor. De l’autre côté, on trouve une démarche transdisciplinaire entre cirque, danse et cinéma muet de Boris Gibet et Florent Hamon avec leur Cie Les Choses de Rien, dans Bienheureux sont ceux qui rêvent debout sans marcher sur leurs vies. Et finalement, arrive cette nouvelle génération qui brouille les pistes entre les genres et aborde le corps ou  le groupe comme œuvre plastique, ici représentée par Mickaël Phelippeau et le Belge Alexander Vantournhout. 

Miet Warlop

Mais on peut aller plus loin encore. Il y a le pluridisciplinaire, le transdisciplinaire, l’adsiciplinaire… et finalement peut-être un univers carrément antidisciplinaire, comme dans Fruit of Labor de Miet Warlop, où concert rock, machines et appareils farfelus, danse, théâtre etc. se fondent dans un esprit absurde et dadaïste [lire notre critique]. Miet Warlop, Flamande nouvelle génération, crée dans la liberté la plus totale et mélange les codes de tous les genres spectaculaires dans une fresque scénique où rien ne se passe comme on l’imagine.

Greco/Scholten : Rocco

Mais la danse vient de loin, dans l’histoire de l’humanité. Au début était le geste. Ensuite surgît la danse. Organisé par Pôle-Sud, le festival Extradanse prend un malin plaisir à extrapoler cette donnée originelle. Le geste, en gant de boxe si nécessaire ! De la part de grands comme Greco/Scholten, c’est un geste percutant.

Rocco est un duo qui explore le mythe du boxeur, par l’uppercut mais aussi par un intérieur sensible. Greco et Scholten interprètent le geste du boxeur dans le sens artistique, avec ses états d’âme, son monde intérieur et le rapport au mythe. Deux corps, deux hommes, une fusion au lieu d’une explosion. La boxe est un langage, et Rocco la transforme en un belcanto coup-de-poing. Ce duo, créé avant l’arrivée du duo amstelois à la direction du Ballet National de Marseille, est aujourd’hui interprété par deux danseurs de cette troupe.

Aneckxander

Gants de boxe également chez Alexander Vantournhout qui choisit le plus simple appareil et renonce à tout artifice. Vantournhout, qui se présente comme Aneckxander (une allusion à son cou - « neck » - drôlement extensible), souligne les moindres disproportions de son corps pour perturber le regard du spectateur. Derrière le grotesque pointe le côté tragique de l’acte de présenter son corps en scène.

Amala Dianor

L’artiste associé à Pôle-Sud, présente sa dernière création, Quelque part au milieu de l’infini. Dans ce trio, la rencontre passe par le geste partagé. Ils viennent du Sénégal, de Côte d’Ivoire ou de Corée du Sud et mettent en scène leur écoute mutuelle, leurs singularités et ce qui les lie entre eux, dans une partition gestuelle et chorégraphique soignée, fluide et poétique, comme on les connaît de Dianor. De tous les spectacles d’Extradanse, c’est celui qui questionne le plus ouvertement les joies et les possibilités du vivre-ensemble.

Christian Rizzo, Alessandro Sciarroni

Ad noctum, le duo de Julie Guibert et Kerem Gelebek va dans le même sens, celui du dialogue dans un univers donné, entre ce que l’on porte en soi des traditions d’une culture et les univers contemporains en musique ou pratiques de la danse, entre gestes traditionnels et relecture contemporaine. Le garant de ce lien est Gelebek, bien connu de son solo sakınan göze çöp batar créée pour lui par Rizzo en 2012, où explore le lien avec sa Turquie natale.

C’est bien dans le sens d’un retour surprise aux traditions folkloriques que Sciarroni a pris tout le monde de court, en 2012, avec Folk-S, will you still love me tomorrow . La danse folklorique alpine, le Schuhplattler, s’y transforme en matériau gestuel, comme sous le cordeau d’un chirurgien. Sciarroni analyse, décompose, transpose et recompose pour les pieds et les mains qui répètent inlassablement les mêmes gestes, tout en rendant les boucles de plus en plus complexes. Folk-S est une investigation gestuelle qui enlève l’émotion chez le danseur pour la faire ressurgir chez le spectateur à un endroit opposé.

Mickaël Phelippeau : Chorus

La démarche de Chorus est comparable, mais à l’inverse de Sciarroni, Phelippeau dissèque la musique, et pas n’importe laquelle.

Si Sciarroni teste la danse alpine face à la musique électro ou disco, Phelippeau détricote la cantate bwv 384 de J.S. Bach avec les vingt-trois chanteurs de l’Ensemble a capella Campana qui reprennent Bach à l’endroit, à l’envers, au sol, la tête en bas, en rewind, en playback, en accéléré, en karaoké… Et de Bach semble surgir un rite païen, comme un retour au Sacre du Printemps. La chanter-ensemble devient une autre manière d’interroger la vie.

Thomas Hahn

Festival Extradanse, Strasbourg, 3-17 mai 2017

http://www.pole-sud.fr/festival-extradanse/programme

 

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