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« Masculines » de Fattoumi/Lamoureux à Faits d’Hiver

Combatives et virulentes, les sept Masculines ne renoncent ni à leur féminité ni à la sérénité.
Aux saluts, elles reçoivent comme des ovations, et en sont touchées, visiblement surprises. Ce public parisien si redouté peut donc se montrer très chaleureux ! En effet, comment rester de marbre face à un tel engagement, une telle prise de risque ? Au Tarmac, les sept amazones livrent une démonstration de force, sans jamais renier leur fragilité d’interprètes.

Vidéo réalisée par Eric Legay pour Danser Canal Historique

Masculines est un coup de gueule contre le Moulin Rouge et son formatage autant que contre la sagesse du spectacle politiquement correct. Héla Fattoumi et Eric Lamoureux ont plusieurs facettes, et l’une d’entre elles est d’être les polémistes de la danse contemporaine, surtout quand il s’agit de la femme et de son corps, dans le rapport aux normes religieuses.


Masculines lance un cri de liberté, où sept sans-culottes et sans-peur savent faire entendre qu’avec elles, tous les fantasmes masculins sont bons à p(r)endre : sensualité orientale façon carte postale, cabarets érotiques en lumière noire, (s)extases mystico-charnelles, poupées gonflables et autres docilités: ras-le-bol ! Ne pas être victime de ces images, mais leur tirer la langue, leur faire des pied-de-nez, leur tordre le cou, si ce n’est le cul ! Et s‘en amuser en même temps, en rire et en jouir…

Enjeux immenses, ambiance zen

Incroyable tranquillité. On calme le rythme, on fait durer les tableaux, parfois de façon carrément provocatrice. Allongées en Odalisques, elles font circuler le cigare comme les « djeuns » se passent le joint. Plus tard, une équipe sportive fait son briefing.

Si le spectacle commence par une sorte de séance d’entraînement paramilitaire, en unisson de guerilleras, on comprend très bien que toutes les images sensuelles qui s’ensuivent ne sont que concédées pour mieux se les approprier. Celle du Bain Turc d’Ingres en découle de la manière la plus organique qui soit. Un changement d’attitude et de lumières suffit.


Terrain de jeu pour femmes en puissance physique, arts martiaux à l’appui. Pas ballerines, mais karatekas façon volontairement traviata: « live fast, die young, bad girls do it well ». Envahir l’imagerie masculine, la renverser en toute féminité: elles se griment en moustachus, mais se collent des paillettes en même temps. Ca pince un téton, ça suce un doigt de pied, ça sort une langue violette comme pour suggérer une débauche digne d’un tableau de Brueghel l’Ancien.

Forces de libération

Quand toutes les images-type, de la femme-objet à la sorcière, se superposent, quand elles sont à la disposition de celles qui décident de glisser de l’une à l’autre au gré de leurs envies, pour être soit masculine, soit féminin, ça s’appelle peut-être: la liberté. Mais la liberté, justement, ne tombe pas du ciel. Pour la conquérir, il faut se battre, et c’est ce que les sept super-women jettent sur le plateau de façon si entraînante.


La force de l’art est celle de la libération, est émancipation. Et c’est cette force-là qui se dégage de Masculines, théâtre du corps plutôt que danse au sens convenu. Dans Masculines, on ne trouvera pas cette fluidité, érigée en Graal de la compétence chorégraphique. Rien que de longs tableaux d’action, de séduction, de combat, menés avec la tranquillité d’une force qui sait qu’elle triomphera, inévitablement. Mais toute la lutte nécessaire pour en arriver là est également présente. D’où la touche humaine, l’intensité de la réaction du public…

Thomas Hahn

Le Tarmac, jusqu’au 16 janvier : www.letarmac.fr

 

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