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Sans toi il ne peut y avoir de moi. Le titre peut paraître paradoxal, du moins pour un solo de danse. Mais Ribeiro envisage son voyage vers Bergman précisément de cette manière-là, à savoir entièrement dédié à la relation à l’autre, et comme un condensé d’émotions, interprété corps et âme.

Aussi Ribeiro nous fait oublier tout le reste du monde, tel qu’on l’oublie dans une relation amoureuse. Pour preuve, cette image du début, qu’on a vue tant de fois: Il se tient de dos, dansant un slow, enlacé par ses propres bras qui caressent ses épaules. Mais le Portugais sait vivre cette figure comme au premier jour, comme si ce tableau initial sortait tout droit d’une pièce de Pina Bausch.

Paulo Ribeiro - Sans toi, il ne peut y avoir de... par Theatre_de_Chaillot

« Sans passion, ni le théâtre ni la danse ne sont possibles », dit Ingmar Bergman dans Laterna magica. La voix off qui lit des passages de ce récit autobiographique est celle de Ribeiro, et l’osmose entre les intonations et la respiration du geste est telle qu’on croit parfois voir Ribeiro dire les mots de Bergman en direct.

Que Ribeiro pleure, qu’il tremble ou qu’il plonge calmement en son for intérieur, que Bergman parle de désir, d’orgasme ou de solitude, Ribeiro combine la version nordique de la passion avec l’extraversion méditerranéenne, mais évite tout pathos, justement parce qu’il va au bout de chaque état d’âme.

Qu’il se tienne debout et immobile, qu’il rampe ou que son corps ondule jusqu’à devenir amorphe, comme pour se dissoudre dans des bourrasques gestuelles, la fragilité du colosse impressionne.

Au départ, cette pièce devait être un trio, puis un duo… Mais c’est justement la forme du solo qui permet à Ribeiro de se livrer sans retenue, d’aller au bout de l’épure et de l’authenticité.

Thomas Hahn

20 novembre 2015 - Théâtre Natonal de Chaillot, salle Maurice Béjart

http://theatre-chaillot.fr/dance/sans-toi-il-ne-peut-y-avoir-de-moi