« Par délicatesse j'ai perdu ma vie » d’Yves-Noël Genod

L'aventure a commencé le 22 septembre 2015. Le metteur en scène Gwenaël Morin, par ailleurs directeur du Théâtre du Point du jour (à Lyon) a confié les clés de son théâtre à Yves-Noël Genod pour un trimestre. Depuis cette date, ce comédien-danseur-performer-metteur en scène présente environ tous les quinze jours un épisode de Leçon de théâtre et de ténèbres. L'ultime épisode last but not least- le 7ème avant l'Épilogue- présenté en alternance avec le précédent, le N°6 intitulé Par délicatesse, j'ai perdu ma vie (extrait du poème d'Arthur Rimbaud, Chanson de la plus haute tour, par ailleurs affiché devant le théâtre) semble être celui dont Yves-Noël Genod est le plus fier, et celui qui suscite les éloges poétiques du public.

Il faut dire que cette proposition laisse une étrange sensation d'avoir vécu une heure quarante (la durée approximative de presque tous les épisodes, sauf le 5ème, Master-Class qui prolongeait le plaisir de 20 minutes) de vacance, un temps comme arrêté, suspendu entre deux gouttes de pluie tombant sur un sous-bois.

Ce qui frappe d'entrée dans cet opus, c'est cette odeur de feuilles mortes qui chatouille l'odorat. L'odeur de l'automne en forêt tandis que crépite le son de la pluie qui s'abat dans la rigole barrant le plateau en deux dans le sens de la largeur. Des fumées s'échappent des cintres, les lumières changent, varient d'intensité. Rasantes, or ou bleutées, vertes ou rosées, on se croirait dans une œuvre de Bill Viola. On se croirait dans un rêve mouillé.

Parfois une tête émerge des feuilles, parfois un être s'élance et danse, comme un fou. On se croirait dans Les Métamorphoses d'Ovide. Parfois (toujours?) l'imagination galope comme un cheval fou. On se croirait... dans un tableau de Caspar David Friedrich, on peut se croire n'importe où, du reste. C'est l'une des forces de ces propositions qui se succèdent depuis septembre, le pouvoir de l'imagination qu’Yves-Noël Genod redonne au spectateur, le pouvoir de créer et de rêver. Ici chacun devient spectacteur. Chacun construit sa propre vision et déroule son imaginaire, à partir des feuilles, de l'eau, des fragrances et des lumières, tandis que l'humanité apparaît furtivement, sous la forme d'une tête au ras du sol, d'un être nu bondissant ou d'un autre tout aussi nu mais botté. Des corps, mais non, des silhouettes, des ombres, des fantômes de corps... Sublime éloge du ralenti.

Gallia Valette-Pilenko

Épisodes 6 et 7 en alternance, jusqu'au 19 décembre. Épilogue du 29 au 31 décembre, Théâtre du Point du Jour, Lyon. www.lepointdujour.fr