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Robert Wilson : The Old Woman

La vieille dame n’est sans doute qu’un prétexte, voire un faux prétexte, dans cette pièce ou dans ces pièces de pièce ou pièces de texte qu’est cette Old Woman, signée de Daniil Kharms, montée par Robert Wilson avec une star de la danse, Mikhaïl Barychnikov, et une star du cinéma, Willem Dafoe.

 

L’histoire est donc en pièces, il est bien question d’une vieille dame qui tombe par la fenêtre, suivie d’une autre et encore une autre… d’une vieille dame qui s’asseoit pour mourir dans votre appartement ou qui donne l’heure de pendules privées d’aiguilles… Peu importe. Le propos ne tient pas à ce qui est dit mais à sa répétition affolée et finalement affolante, à ces fragments de discours qui s’évaporent aussitôt énoncés, et qu’ils font donc inlassablement redire ou relire ou relier. À chaque fois ça recommence, ça recommence encore, à la façon d’un Beckett, mais « proprifié » par la mécanique mathématique de Robert Wilson qui ne laisse à personne le temps de réfléchir, et surtout pas à ces deux personnages qui se retrouvent d’image en image, dans un autre temps, un autre espace d’où surgissent des objets bizarres, dans des positions aberrantes induites par une gestuelle sèche et anguleuse qui plaque le tout en deux dimensions et en aplats de couleurs crues. C’est une magistrale leçon de déconstruction machinale, comme en témoigne le bruit d’un ressort qui claque à la fin de chaque micro-scène. Et dans ce sens, The Old Woman, joue l’adéquation parfaite entre la mise en scène radicale et déchiquetée de Wilson et l’esprit des textes du poète russe, mort à 36 ans dans l’hôpital psychiatrique où l’avait enfermé Staline en 1942.

 
 

Car sous couvert de loufoquerie amusante, c’est la mort qui rôde et le cauchemar d’un enfermement qui impose à chaque fois de produire du même… mais différemment. À dire et redire des paroles énucléées, amputées de leur sens, car parler est déjà trop dire.

Willem Dafoe et Mikhaïl Barychnikov sont exceptionnels dans ce numéro de duettistes jumeaux et s’en donnent à cœur joie dans une gestuelle d’une précision calculée au millimètre. Enfants terribles ou diables russes, marionnettes dont ils tirent eux-mêmes les fils, ils finissent par rendre palpable une ironie désespérée et menaçante dans cet univers glacé produit par une esthétique parfaite et tirée au cordeau.

 

On regrettera néanmoins que le volume sonore aussi fort que l’intensité des couleurs qui nimbent à intervalle régulier la scène, empêche à force, d’apprécier toutes les subtilités du jeu des acteurs… et même si l’on se doute bien que ce parti pris est partie intégrante – sinon intégrale – de ce spectacle, il en obére toutefois une dimension.

Agnès Izrine

Jusqu'au 23 novembre - Théâtre de la Ville, Paris, dans le cadre du Festival d'Automne.

Lire aussi : http://dansercanalhistorique.com/2013/11/19/bob-wilson-accroche-lady-gaga-au-louvre/

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