Michèle-Anne De Mey : Lamento, solo pour Gabriella
Un lamento n’est pas toujours triste. Du moins, pas exclusivement. Inspiré par et conçu pour l’Italienne Gabriella Iacono, ce solo prend également toute la mesure de Monteverdi et de quelques grands classiques de la chanson italienne. Créé en 2013, il se promène à l’ombre d’une autre production de Michèle Anne de Mey, Kiss & Cry. Le sujet de Lamento est pourtant le même, la mort en prime : « Lasciatemi morire… » chante Ariane, abandonnée par Thésée. Mais De Mey a donné à cette Arianne une partition du geste si délicate qu’elle se situe au-delà de la douleur, en toute simplicité, voire dans une nudité de l’âme et du corps qui fait surgir une ultime vérité intérieure. Il n’y a plus rien à démontrer, il s’agit juste de vivre ce moment de crise, d’abandon et peut-être déjà d’ouverture. Nous sommes ici au-delà de la tragédie.
Gabriella Iacono vit chaque instant d’une intense simplicité, dans une présence empreinte de romantisme, insaisissable telle une Sylphide contemporaine, toujours près du sol et toujours en lien avec l’eau et la terre. La très belle scénographie n’y est pas pour rien, car à l’image de cet état harmonieux et apaisé : une surface brillante et pourtant sombre, un lac profond comme composé de panneaux solaires, créant des images d’une brûlante symétrie.
Fragile ou Amazone, Vénus ou victime, en action ou en attente, Iacono se change, se lave se déshabille ou s’habille, marche ou se tient debout, s’allonge pour dessiner un paysage de chair et fait de ce Lamento un moment de grâce pure. On l’a vu dans Neige, dans Kiss & Cry et dans la reprise de Sinfonia Eroica. Et De Mey de montrer à quel point elle sait se mettre au diapason de ses interprètes, pour créer une réplique contemporaine au baroque naissant de Monteverdi, d’inspiration infiniment sobre en toute harmonie congéniale.
Thomas Hahn
Vu au festival June Events, Atelier de Paris.
Du 20 au 22 septembre 2013 à Charleroi, Les Ecuries
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