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Les promus de l'Opéra : Antoine Kirscher

Antoine Kirscher, a été promu coryphée le 1er janvier 2015

Danser Canal Historique : Qu’est-ce qui vous a poussé vers la danse ?

Antoine Kirscher : Je voulais faire du cirque. Mais on ne voulait pas me donner autant d’heures de cours que je l’aurais souhaité. Du coup, comme ma mère est professeur de danse, je me suis dit, pourquoi pas ? Au départ, elle n’était pas très enthousiaste car elle connaissait les difficultés du métier, qui demande une discipline que je n’avais sans doute pas. Mais elle m’a tout de même appris les bases, sans jamais parler d’une carrière éventuelle. D’ailleurs je ne suis pas sûr de l’avoir voulu à l’époque.

Ensuite je suis parti au Centre Chorégraphique National de Roubaix où j’ai eu la chance de travailler avec des professeurs exceptionnels et de croiser Carolyn Carlson, de découvrir des projets qui m’intéressaient. C’est alors que mon professeur m’a suggéré de me présenter à l’Opéra car elle pensait que j’avais des capacités. Du coup, je me suis lancé comme par défi… Et j’ai été retenu. C’est à l’École de danse de l’Opéra que la danse m’est devenue indispensable. Fasciné par l’aspect physique de la discipline, sa rigueur, sans doute aussi par besoin de me dépenser. Je me préoccupais peu de l’aspect artistique au départ. C’est venu plus tard comme une recherche personnelle et un moyen de m’exprimer.

DCH : Quand êtes vous entré dans le Corps de ballet ?

Antoine Kirscher : Je suis entré dans le Corps de ballet en août 2013. C’est donc ma seconde saison et mon premier concours de promotion interne. J’ai eu de la chance.

DCH : Avez-vous été surpris d’être promu ?

Antoine Kirscher : Oui, je ne pensais pas réussir dès la première fois, mais j’avais envie de me débarrasser vite du grade de quadrille pour danser davantage. C’était ma principale motivation. Mais je l’ai pris comme un challenge et une chance de pouvoir danser la variation libre que je voulais faire depuis longtemps, en tant que soliste, seul sur la scène. Bien sûr, quand on se retrouve sur le plateau, c’est un stress maximal.

DCH : Pourquoi avez-vous choisi Tchaïkovski – Pas de deux comme variation libre ?

Antoine Kirscher : C’est un choix qui remonte à longtemps. Six mois avant le concours, j’avais envie de danser cette variation. J’avais vu des vidéos de Manuel Legris et Nicolas Le Riche qui m’avaient beaucoup impressionnées. Et j’aime aussi le côté léger de cette œuvre et c’est techniquement ce qui me convient le mieux : la batterie est un de mes atouts. Je pensais que, pour le premier concours, il fallait choisir une variation classique qui me mette en valeur. Et j’aime beaucoup l’entrain, le dynamisme joyeux, la musicalité. C’est le côté très frais de Balanchine que j’aime beaucoup. Et qui pouvait me faire progresser pour trouver de la souplesse, de la mobilité du haut du corps qui me manque parfois un peu. Ensuite, elle a été imposée pour les Sujets. Du coup, j’ai eu l’occasion de la voir dans l’interprétation de Benjamin Millepied qui m’a beaucoup plue. Il était très dansant, avec de beaux épaulements. C’était passionnant d’entendre ses directives, l’esprit qu’il demandait et il me l’a fait travailler cinq minutes mais ses corrections m’ont beaucoup guidé par la suite.

DCH : La variation imposée de Lucien d’Hervilly dans Paquita était ardue techniqument…

Antoine Kirscher : La variation imposée était plus difficile. Heureusement que j’ai pu la faire à gauche parce que je suis gaucher pour la giration, ce qui pose quelques problèmes. Techniquement, c’est une variation qui demande beaucoup de contrôle, il fallait se montrer au niveau et rester le plus sobre possible. Pour moi qui ait tendance à m’éparpiller, il a fallu que je me contraigne.

DCH : Vous avez croisé Carolyn Carlson, avez-vous vu ses spectacles ?

Antoine Kirscher : J’ai eu l’occasion de voir un spectacle de Carlson, de plus, elle nous avait donné une petite création que nous avions jouée au musée de la Piscine. Mais j’étais un peu trop jeune pour comprendre sa démarche. Cela dit, c’est une chorégraphe que j’admire beaucoup. Son ballet Signes me touche beaucoup. Et c’est une danseuse fabuleuse, très belle. Je suis vraiement heureux d’avoir pu la rencontrer.

DCH : Allez-vous voir d’autres spectacles de danse que ceux de l’Opéra de Paris ?

Antoine Kirscher : J’essaie de voir ce qui se passe hors de l’Opéra, dans les autres compagnies, quand elles viennent à Paris. Je vois également beaucoup de vidéos de danseurs. Je vais quand c’est possible au Théâtre national de Chaillot, au Théâtre de la Ville, je pense que ça fait aussi partie de notre travail. Tout comme aller au cinéma, voir des expos, lire.

DCH : Avec quels chorégraphes aimeriez-vous travailler ?

Antoine Kirscher : Il y a des personnalités que j’aurais aimé rencontrer, comme Pina Bausch. Quand je parle avec les gens de la compagnie qui ont travaillé avec elle, chacun raconte « sa » rencontre avec elle. À chaque fois ça a l’air fantastique. J’aimerais évidemment danser son Sacre du printemps qui m’a bouleversé quand je l’ai vu pour la première fois, même si je ne suis pas sûr d’être à la hauteur pour ce genre de chorégraphies. J’adorerais aussi travailler avec Jiří Kylián, c’est un chorégraphe que j’admire profondément, une sorte de génie. Après, j’ai encore tout à danser. Les chorégraphies de Noureev qui sont très pédagogiques.

DCH : De quelle manière ?

Antoine Kirscher : Il y a une sorte d’analyse du mouvement qui doit être faite quand on essaie d’aborder du Noureev. C’est tellement compliqué, techniquement que si on ne comprend pas comment c’est fabriqué, on passe complétement à côté d’éléments qui peuvent servir ensuite pour tout : une histoire d’épaulements, d’angles…

J’ai travaillé pas mal de Bournonville. Au début, ça a l’air compliqué pour nous car c’est une technique assez différente de la nôtre. Ensuite, ça devient aussi très utile par rapport au poids du corps, à la musicalité. Et on peut retrouver certains de ces ingrédients dans les ballets de Noureev. Quand je parle à des professeurs issus de la « génération Noureev » ils racontent qu’il était très strict sur tous ces détails et ça ajoute beaucoup à la danse. Par exemple, être au sommet de son saut dans un temps fort musical le rend plus percutant. Je regrette de ne pas l’avoir connu. Comme Pina Bausch. Ce sont de grands artistes.

DCH : Avec qui avez-vous travaillé pour ce Concours de promotion interne ?

Antoine Kirscher : Pour le concours j’ai travaillé avec Wilfried Romoli. Je l’ai rencontré quand j’étais en 4e division et lui, c’était sa première année à l’École de danse. Nous avons eu des débuts très difficiles, mais c’est vers lui que je suis revenu à la fin. Je travaille avec lui depuis longtemps, il me connaît profondément et il est exceptionnel dans sa façon d’analyser les mouvements, extrêmement intelligent. Et il sait également donner la conscience du personnage. Il devait être un formidable acteur. Je me souviens l’avoir vu danser Hilarion, dans Giselle, et dès qu’il entrait sur le plateau il dégageait une présence inouïe. Ça a été une expérience forte de travailler avec lui et je l’en remercie. J’ai aussi répété avec Mathieu Ganio, qui est mon petit Père, et il a été a été formidable. Il m’a « reboosté » quand il sentait que je me décourageais, et c’est un danseur étoile en exercice qui a une grande connaissance du répertoire de Pierre Lacotte. Il donne envie de danser, il est très motivant, il cherche beaucoup, s’intéresse plus au fond qu’à la finalité. Je pense que sans lui, je n’aurais pas réussi. Ils m’ont beaucoup aidé. Je pense que dans la danse, les rencontres sont parfois plus importantes que le spectacle.

Antoine Kirscher à l'École de danse

DCH : Quels sont vos autres centres d’intérêt ?

Antoine Kirscher : J’aime beaucoup le cinéma. Ça me plairait beaucoup de me reconvertir dans ce domaine après. Ça me passionne. Je me verrais bien acteur ou réalisateur. Petit, j’adorais faire des mises en scène que je montais pour créer de petits films. Mais ce sera peut-être un peu tard pour devenir réalisateur, mais acteur, pourquoi pas ?

DCH : Quels sont vos films préférés ?

Antoine Kirscher : Les films qui m’ont le plus marqué sont ceux de la Nouvelle vague. Toute la série des Antoine Doisnel de Truffaut, certains Godard comme À bout de souffle, mais mon réalisateur préféré reste Antonioni. Il fait des films très profonds, très humains, notamment Profession reporter qui me suit toujours.
Le cinéma et la danse sont, selon moi, très connectés. La relation à la musique, le rapport à une esthétique, le mouvement. J’ai beaucoup aimé Pina de Wim Wenders. Nous avions travaillé sur ce film à l’École de danse comme projet d’U.V. et il y avait vraiment une relation entre la chorégraphie et l’image. Surtout avec les nouvelles techniques comme la 3D.

Propos recueillis par Agnès Izrine

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