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« Citizen » de Joris Frigerio au Théâtre National de Nice

Acro-danse et magie à la Méliès : L’artiste circassien nous livre les clés de sa nouvelle création, à voir en première mondiale au Théâtre National de Nice. 

Danser Canal Historique : Le milieu de la danse ne vous connaît pas forcément, et nous aimerions donc vous demander de vous présenter.

Joris Frigerio :J’aime le cirque, le théâtre et la danse. Je suis formé à l’École Nationale des Arts du Cirque de Rosny-sous-Bois et au Centre National des Arts du Cirque où j’ai été diplômé en 2006. Je vis aujourd’hui à Aix et j’ai fondé la compagnie Les hommes de mains qui est installée à Nice. Et si la compagnie n’a pas encore de lieu de travail permanent, nous avons tout de même été accueillis en résidence par plusieurs coproducteurs qui nous suivent avec fidélité. 

DCH : Le cirque contemporain s’articule entre créations circulaires pour le chapiteau et pièces pour la scène frontale. Travaillez-vous sur les deux ? 

Joris Frigerio : Je suis quasiment né dans le rapport aux lumières et autres artifices de la scène frontale grâce à mon père qui était employé dans un théâtre. Et je n’ai finalement pas quitté cet univers, même si j’ai travaillé en circulaire en tant qu’interprète avec la création diplômante du CNAC à laquelle j’ai participé - la 21e promotion avec le spectacle Urban Rabbits  mis en scène par Arpad Schilling, et puis pour plusieurs autres créations. Par contre, pour mes propres mises en scène, je pense toujours en termes de plans, notamment parce que j’intègre aussi des projections vidéo pour jouer sur l’interaction entre les interprètes et les écrans. Mais si je m’investis aujourd’hui encore pleinement dans ces recherches, je n’exclue pas de créer un jour pour le chapiteau. 

DCH: Qu’est-ce qui inspire votre nouvelle création, Citizen, et quel en est le sujet ? 

Joris Frigerio : Pour cette pièce, je suis parti de mon interrogation sur ce qui pousse les humains dans cette course effrénée. Dès que nous pouvons courir, nous courrons “comme des malades”. Mais on court après quoi ? Qu’est-ce qui nous fait si peur ? Est-ce de souffrir ? De mourir ? A l’origine il y avait le choc qu’a été la sortie du confinement avec la reprise de la vie tous azimuts où je ne trouvais plus de temps pour respirer et contempler. Mais j’aime aussi l’énergie et tout ce qui est dynamique. Je me suis donc demandé s’il n’y avait pas un équilibre à trouver.

Galerie photo © Anthony Krizmanic

DCH : Comment s’articule le spectacle ? 

Joris Frigerio : Tout est construit comme dans un jeu de domino. Quand un personnage s’emballe, il entraîne, irrésistiblement, dans sa course tous les autres. Et quand quelqu'un se calme, ça va se transmettre à d’autres, mais le mouvement va repartir ailleurs. Et puis, on arrive à trouver des points d’équilibre. En gros, cette création repose sur un travail approfondi sur le rythme qui permet de créer comme une musique des corps qui ne cessent de chuter et de se relever, jusqu’à atteindre une sorte de transe, ce qui crée une musique en soi. 

DCH : On imagine donc des tableaux parfois burlesques… 

Joris Frigerio En effet, il y a des moments drôles et certains personnages vont frôler le ridicule. J’ai en effet choisi un personnage qui est plus burlesque que les autres chez lesquels l’accent est mis sur la performance physique et l’aspect chorégraphique. L’interprète du rôle, Anatole Lebon, a par ailleurs deux parents acteurs. Mais il est devenu acro-danseur et a fait de la cascade, ce qui lui permet de réaliser des prouesses acrobatiques et d’incarner en même temps cette folie de la vitesse et ce côté burlesque. 

DCH : Poursuivez-vous dans la veine des arts visuels ? 

Joris Frigerio : Oui, je poursuis mon travail sur la synchronisation entre la scène et l’écran, ce qui produit des effets magiques à la Méliès. Sauf qu’après quelques années d’expérimentations j’ai l’impression d’être encore loin du but. Dans Citizenj’introduis des effets de transparence et le public finit par en décrypter le principe. A partir de là, il cherche l’erreur et nous complexifions le jeu. Ce qui est un principe très circassien.  

DCH : Quelles disciplines circassiennes constituent la matière de Citizen  ? 

Joris Frigerio  : A la base, je suis acrobate pur. Je viens de la voltige main à main. Par contre, dans Citizen, j’ai fait le choix de ne pas mettre « ma » discipline en valeur et j’ai cherché des artistes acrobates qui sont en même temps très bons dans les chorégraphies puisque la matière de la pièce se situe sur une frontière très perméable entre le cirque et la danse. Il y a de la danse aérienne au cerceau ce qui est pour moi de la danse au sens fort du terme, même si on est sur un agrès de cirque puisque l’interprète, Fanny Marmion, est à un tel niveau de son art qu’on ne voit même plus l’agrès ! Pour les chorégraphies au sol, je travaille avec trois acro-danseurs. Les chorégraphies, très précises et chiadées, sont le fruit d’un travail partagé avec Marine Larat qui est ma complice de création sur cette pièce. 

DCH : L’acro-danse est-elle aujourd’hui une discipline établie qui a sa propre identité, au point d’être enseignée en tant que telle ? 

Joris Frigerio Complètement. Je suis un peu plus âgé que les interprètes de Citizen, et j’ai vu rentrer cette discipline au CNAC. J’en ai donc vécu les prémices. Aujourd’hui l’acro-danse prend une ampleur énorme ! Elle se mélange avec la breakdance et le parkour. Il y a là un talent vraiment époustouflant ! 

Propos recueillis par Thomas Hahn

Citizen : 11 et 12 janvier 2024 à 20h - 13 janvier 2024 à 15h - Salle des Franciscains au TNN
Théâtre National de Nice

Écriture & mise en scène : Joris Frigerio

Écriture chorégraphique & accompagnement à la mise en scène : Marine Larat
Avec : Rémy Ingrassia, Anatole Lebon, Fanny Marmion, Timothé Vincent
Scénographie : Jean-Luc Tourné
Son : Cyril Hernandez Lumière Antoine Benner

Production Compagnie Les Hommes De Mains Coproduction ARCHAOS - Pôle National Cirque de Marseille, Théâtre National de Nice - CDN Nice Côte d'Azur, Pôle École Nationale de Cirque - Châtellerault, Espace NoVa - Velaux, La Fruitière Numérique - Lourmarin, Théâtre Comoedia - Aubagne, L’Entrepont - Nice, Théâtre de Fontblanche - Vitrolles, Ville de Beausoleil

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