Entretien avec Petter Jacobsson et Thomas Caley
À l’occasion du programme printanier du Ballet de Lorraine intitulé Y’en aura pour tout le monde, Petter Jacobsson, son directeur et Thomas Caley, son coordinateur de recherche, nous ont accordé un entretien exclusif.
Danser Canal Historique : Le titre de votre temps fort de printemps montre l’éclectisme de votre programmation. Pourquoi avez-vous cherché, dès votre arrivée à Nancy, à associer des styles qui vont du ballet à la performance en passant par le néo-classique ?
Petter Jacobsson : Il y a plusieurs réponses à cette question. En premier lieu, nous n’avons pas eu peur de montrer qu’il y a plusieurs façons de s’exprimer sur un plateau. Nous avons aussi cherché à présenter des choses inattendues. Et prouver qu’on pouvait être généreux dans ce domaine afin que le public nancéen trouve en un même théâtre différentes propositions. D’où ces programmations avec des contrastes qui pour nous n’ont rien de dramatique. Quand on juxtapose deux pièces différentes, ou trois, ou quatre, on a une gamme de possibilités. Et d’effets qui ne résident pas dans les pièces elles-mêmes, mais qui sont produits par la combinaison d’œuvres dissemblables.
DCH : Effectivement, voir une même pièce dans des contextes différents provoque surprise et intérêt. Ça peut choquer aussi, ce n’est pas le cas à Nancy où vous avez contribué à former un large public à la danse.
Petter Jacobsson : Je voudrais ajouter une chose : il n’y a pas beaucoup de théâtres en France entièrement voués à la danse. Pas tant d’occasions pour le public de voir une aussi large palette de danses.
DCH : Dans un lieu central en plus ! Et quel lieu !
Petter Jacobsson : Oui, cette place Stanislas représente beaucoup sur les plans historique, politique et symbolique. Cette place est en soi une magnifique scénographie créée il y a plus de deux siècles !
DCH : Parlez-nous un peu du programme de ce troisième temps fort.
Petter Jacobsson : C’est l’occasion pour le public de revoir certaines de nos pièces et de découvrir celles de compagnies invitées ou de chorégraphes comme Merce Cunningham, Lucinda Childs, Dominique Brun, Johanna Faye et Saïdo Lehlouh, Miguel Gutierrez... François Chaignaud n’étant pas disponible pour le Boléro qu’il a chorégraphié avec Dominique Brun, nous avons proposé à notre troupe de le danser ! Quant aux reprises, nous pensons que, le temps passant, on peut contempler du déjà-vu avec de nouveaux yeux. Les choses changent avec le temps. Le fait de les revoir ajoute des couches sur notre mémoire.
DCH : Comment vous répartissez-vous le travail chorégraphique Thomas Caley et vous ?
Thomas Caley : Je voudrais simplement ajouter que j’adore la danse ! La question est avant tout : comment peut-on encore regarder la danse ? J’adore la danse sous toutes ses formes… Entre nous deux, il peut bien sûr y avoir des points de vue différents. Mais nous nous demandons toujours : de quoi la pièce a-t-elle besoin ?
Petter Jacobsson : On cherche ce quoi, effectivement. Et tant qu’on cherche, on ne sait pas ! Nous partons d’une question, d’une expérience ou d’un mot. Mais mettre au point la pièce nous prend du temps. On peut avoir des tas d’idées, et se dire : ça ne marche pas pour cette pièce.
Thomas Caley : Créer, c’est sauter dans l’abîme. On entre dans le studio, avec des idées pas encore très claires, et on je cherche ce quelque chose. De façon gestuelle.
DCH : Ce programme ressemble au best of de ce que vous nous avez proposé durant plusieurs saisons. Est-ce la fin d’un cycle ? Ou le début d’un autre, maintenant, pour vous ?
Petter Jacobsson : Nous sommes sur notre dernier mandat, le quatrième et le dernier. Nous ne savons pas de quoi sera fait l’avenir, mais sommes à cent pour cent avec la compagnie. Nous avons toujours été avec la structure et jugé important d’établir, d’installer la communication avec les vingt-cinq danseurs la composant. Et d’ancrer la structure dans la ville. On peut à la fois aller avec son temps et avec la danse. Nous voulions montrer à la ville que la danse a besoin de ce type de structure. Nous nous sommes récemment produits à New York, au NYU Skirball Center for the Performing Arts.Les gens étaient stupéfaits parce que ça n’existe plus aux États-Unis, un grand ensemble comme ça qui présente des œuvres contemporaines. Cela a vraiment été un grand succès public.
DCH : C’est à quelques mètres de là qu’a pourtant commencé la postmodern dance…
Thomas Caley : C’est exact. Le théâtre est situé tout à côté de la Judson Memorial Church.
DCH : L’an prochain, allez-vous célébrer le centenaire ?
Petter Jacobsson : Quel centenaire ?
DCH : Vous savez bien, celui du ballet Relâche.
Petter Jacobsson : Ah oui ! C’est le centenaire ! On avait oublié. My God !
DCH : Ce sera le moment de le reprendre au Théâtre des Champs-Élysées.
Petter Jacobsson : Ah oui, il faut le faire pour le Nouvel An, là !
Propos recueillis par Nicolas Villodre le 12 mai 2023.
Du 25 mai au 2 juin 2023 à l'Opéra de Nancy : Y'en aura pour tout le monde
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