Le Mahabharata de Satoshi Miyagi
Recréé en 2014 dans la mythique carrière de Boulbon, inaugurée comme lieu de spectacle du Festival d’Avignon à l’occasion de la création du Mahabharata de Peter Brook en 1985, ce Mahabharata, mis en scène par Satoshi Miyagi sera à l'affiche de la Grande Halle de La villette du 19 au 25 novembre.
Contrairement à son glorieux prédecesseur qui avait mis en scène la totalité des 18 livres de cette épopée indienne datant de 2200 avant J.C. en une seule représentation de 12 heures, la nuit, Satoshi Miyagi a choisi de se concentrer sur un seul épisode, l’histoire du roi Nala, ou Nalacharitam, condensé, selon lui, de l’ensemble de l’œuvre. Mais surtout, cela lui permet, à l’image du Japon d’après-guerre, de tirer ce poème épique du côté du féminin. « Dans ce “Nalacharitam“, explique Satoshi Miyagi, parce que la guerre en est absente, l’héroïne Damayanti se montre l’égale des hommes. C’est dans ce sens-là aussi que cette histoire est très particulière dans le Mahabharata. […] Après la guerre, l’armée a été rejetée afin de proposer une nouvelle manière d’être d’une nation, que l’on pourrrait qualifier de féminisée ».
Galerie photo © Christophe Raynaud de Lage
Un Mahabharata très japonisant, donc, avec ses magnifiques kimonos en papier – faisant référence à la période Heian (IXe –XIIe siècle) – d’un raffinement inouï, qui dissocie totalement le jeu (ou le mouvement), le récit et la musique, reprenant en cela un ancien théâtre japonais, le Kami-shibaï, (théâtre en papier) qui raconte une histoire en montrant des images en papier, mais aussi le kabuki, le bunraku et le nô ainsi que le kutiyattam indien. Un simple praticable semi-circulaire sert de décor à toute la pièce. Le fond de la carrière faisant le reste.
Galerie photo © Christophe Raynaud de Lage
Sur l’un des côtés, se tient le chœur qui conte l’épisode, d’abord à plusieurs voix réduite ensuite à une seule. Les entrées et sorties donnent lieu à des défilés d’ombres chinoises qui stylisent les personnages ou symbolisent des monstres de papier, un tigre, un python ou une procession d’éléphants dont on aperçoit les trompes. Se déploie ainsi un monde de démons et merveilles, à mi-chemin entre le ciel des dieux et le sol des hommes. L’espace en contrebas de ce praticable est réservé à l’orchestre, composé principalement de femmes aux percussions distille la musique de Hiroko Tanakawa qui rythme l’ensemble de la représentation.
Galerie photo © Jean Couturier
L’histoire est donc celle du roi Nala qui a eu le privilège d’épouser la belle Damayanti, convoitée également par les dieux. Mais, alors que tout va pour le mieux au pays du roi Nala, le voilà possédé par un sortilège qui lui faire perdre jusqu’à son royaume au profit de son frère, Roi de l’Ouest. Humiliée, il fuit alors son épouse pour ne la retrouver qu’après avoir traversé toutes sortes d’épreuves initiatiques, où ils rencontrent les monstres des forêts, les bons génies, et toutes sortes d’animaux et de personnages…
Par des poses et des mouvements subtils, les vingt-six acteurs-danseurs et musiciens donnent vie à ce texte fondateur et merveilleux, qui traverse les cultures et les mythes, les langues et les rythmes rendant ce Mahabharata, peut-être japonisant, certainement universel.
Agnès Izrine
Vu le 7 juillet 2014 Festival d’Avignon, Carrière de Boulbon.
Du 19 au 25 novembre à la Grand Halle de La Villette
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