« Révolte ou tentatives de l’échec » par Les filles du renard pâle
Fildefériste et funambule, formée à l’Ecole du Cirque de Bruxelles et à l’Académie Fratellini, directrice artistique des Filles du renard pâle, Johanne Himblet présentait à Bonlieu, scène nationale d’Annecy où elle est artiste associée, Révolte, troisième volet d’un triptyque commencé en 2019 avec Résiste, vu comme « un cri de liberté » et Respire où elle prenait de la hauteur – au sens propre.
Au plateau, une bande de cinq filles rock & roll en grande forme : chanteuse et musicienne, danseuse aérienne, acrobate et fildefériste. En point fixe à cour, une roue, pas une élégante et incontournable Cyr, mais une innovante roue giratoire comme un grand rouleau, magnifique conception métallique dans son design mais objet infernal dans sa symbolique. Coincée dedans, une femme coure inexorablement et explore en tous sens les contours et les possibles issues sans jamais réussir à avancer ou à en sortir, tel un hamster. Métaphore de l’impossible, l’image vient s’incruster en contraste et de façon récurrente dans la dramaturgie, les deux autres Renardes évoluant exclusivement dans les airs. Harnachées de baudriers celles-ci ne touchent quasiment jamais terre. Elles montent des murs imaginaires, flottent dans les airs, nagent à dix mètres de haut, en verticale, en biais, à l’horizontale… défiant tout repère rationnel d’espace. Saluons au passage les concepteurs et machinistes pour ce colossal travail de l’ombre.
Galerie photo © Kalimba
Johanne Humblet, déstructure son fil sans cesse et d’une manière qui lui est propre, elle crée des perpendiculaires, grâce à son immense balancier qu’elle place en croix et qui projette parfois les filles du bas vers le haut et vice versa … dans ce dispositif les Renardes jouent avec le reflet, le recto-verso, semblant marcher à l’envers, solidaires dans un équilibre toujours précaire. En solo, superbe moment où elle avance dans un ciel noir et tourmenté, Johanne Humbelt appréhende son fil, non par le bout des pieds ou par petits glissements, mais de manière plus martiale, nous surprenant avec de grands pliés seconde où elle se trouve en position latérale au fil.
Beaucoup d’images puissantes, oniriques, un filet géant – un piège – de grandes volutes de vapeur d’eau, des lumières de nuit et de crépuscule, (superbes éclairages conçus par Bastien Courthieu et Clément Bonnin) du vent et de la pluie, autant d’éléments impressionnants et peu confortables pour des équilibristes. Soudain, arrive une scène de combat décalée, à peu près le seul moment où la danseuse et la fildefériste touchent terre, mains griffues, postures animales, vols et envols planés ou verticaux, évoquant aussi bien l’univers manga que le kung-fu volant de Tigre et Dragons.
Ces Renardes ont un sacré abattage, et si l’ensemble capte et fascine aisément, on regrette que la dramaturgie soit freinée par le découpage de la pièce en scènes successives et par la musique rock (de Jean-Baptiste Fretray) qui, bien que porteuse et en osmose avec l’énergie du plateau, est composée de morceaux assez courts qui accentuent cet effet.
« J’ai un sentiment de révolte extrême en moi », écrit Johanne Humblet dans sa note d’intention, tout en redoutant son inutilité « j’ai l’impression qu’aujourd’hui se révolter est synonyme de se confronter à un mur ». C’est alors par la prise de risque qu’elle exprime son sentiment de révolte. Mais son intention reste pour le moment un peu noyée sous les effets scéniques et une machinerie complexe demandant une attention et une précision inouïes. De la révolte annoncée ou de ses tentatives – à renouveler sans cesse – on retient une énergie rageuse, joyeuse, absolument inépuisable et un défi des limites parfaitement exprimé. Et des images à couper le souffle !
Marjolaine Zurfluh
Vu à Bonlieu, Scène nationale d’Annecy le 13 octobre 2023
Dates de tournée :
9 et 10 novembre 2023 : Le Cratère Scène nationale d’Alès dans le cadre du festival « Temps de Cirques » avec La Verrerie d’Alès
24 > 25 novembre : La Scène Nationale d’Orléans
6 > 8 décembre : Le Train Théâtre, Portes-lès-Valence
14 > 16 décembre : Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines Scène Nationale
23 janvier 2024 : Théâtre Jean Arp, Clamart
26 janvier : L’Avant-Seine, Colombes
4 février : Scène Nationale d’Aubusson Théâtre Jean Lurçat
8 février : Théâtre Molière - Sète Scène Nationale
7 > 8 mars : Scène Nationale de Bourg-en-Bresse
13 > 15 mars : Théâtre de Villefranche-sur-Saône
18 > 19 mars : La Rampe Scène Conventionnée, Échirolles
21 > 22 mars : Malraux Scène Nationale Chambéry Savoie
25 > 26 mars : Festival UP - Théâtre Varia, Bruxelles
28 > 29 mars : Le Prato Pôle National Cirque, Lille
4 > 5 avril : L’ACB Scène Nationale Bar-le-Duc
9 avril : Le Carreau Scène Nationale de Forbach et de l’Est mosellan
14 > 15 mai : Le Théâtre d’Angoulême Scène Nationale
Distribution
Écriture et mise en scène : Johanne Humblet
Funambule : Johanne Humblet
Danseuse aérienne : Violaine Garros Acrobate
Roue Giratoire : Marica Marinoni ou Noa Aubry
Musiciennes : Annelies Jonkers, Fanny Aquaron
Création musicale : Jean-Baptiste Fretray
Assistant à la mise en scène et collaboration circassienne : Maxime Bourdon
Collaboration dramaturgie physique : Farid Ayelem Rahmouni
Régie aérienne et plateau : Nicolas Lourdelle, François Pelaprat, Eric Lecomte
Création sonore : Mathieu Ryo, Marc-Alexandre Marzio
Création lumière : Bastien Courthieu, Clément Bonnin
Création costumes : Emma Assaud - Chaussons de fil : Maison Clairvoy, Isabella Mars
Conception et fabrication de baudriers : Point de suspension - François Pelaprat
Construction : Sud Side - Mathieu Audejean
Régie générale : Katia Mozet Floreani
Régie lumière : Nicolas Bulteau
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