« Rêverie romantique » de Thierry Malandain et « Sirènes » de Martin Harriague
Trois pièces dont deux créations pour une soirée à la rencontre d’une sylphide et de sirènes.
C’est dans le splendide théâtre Victoria Eugenia de San Sebastián que le Malandain Ballet Biarritz a présenté trois œuvres dont une reprise de l’excellent Nocturnes de Thierry Malandain accompagné au piano par Thomas Valverde et deux créations : Rêverie Romantique de Thierry Malandain et Sirènes du jeune Martin Harriague.
Ces représentations sont inscrites dans le cadre du Projet Ballet T, premier centre chorégraphique transfrontalier d’Europe officialisé par la signature le 26 mars 2011 d’une convention par le Malandain Ballet Biarritz (direction et coordination) et le teatro Victoria Eugenia (le siège), les villes de Biarritz et San Sebastián. Les objectifs sont de promouvoir les cultures chorégraphiques en portant un projet artistique commun, favoriser l’émergence d’une troupe à vocation transfrontalière, faire dialoguer les artistes et les publics sur ce territoire, créer un répertoire commun inédit et initier des coopérations entre les structures culturelles.
En première partie de soirée, la reprise de Nocturnes de Malandain sur la musique de Chopin jouée en direct au piano par Thomas Valverde est toujours une pure merveille. Créée en 2014, ce ballet pour vingt-deux danseurs se déroule sur une ligne de lumière étendue de cour à jardin dans une écriture chorégraphique extrêmement raffinée qui demande de nombreuses prouesses technique aux interprètes et oscille entre délicatesse et humour. Un réel petit bijou de moins de trente minutes.
Puis une nouvelle courte pièce de Thierry Malandain pour vingt-deux danseurs et toujours sur la musique de Chopin, Rêverie Romantique met en scène la Sylphide. Au tout début, des danseurs vêtus de noir maintiennent d’immenses ballons de baudruche blancs. Ils les éclatent tous sauf un qui s’envole et reste suspendu en l’air. Puis, un très long tutu romantique apparait juché en hauteur soutenu par un homme dont seules les jambes sont visibles.
Sous un rayon de lune, symbolisé par le fameux ballon blanc, un homme en noir erre, recherchant sa fiancée. De blanches sylphides, hommes et femmes tous en tutu voltigent autour de ce poète à la recherche de l’idéal. Elles reprennent les positions des bras propres aux ballets russes de Serge Diaghilev et à la chorégraphie de Michel Fokine (1909). Mais retournant aux sources de la Sylphide (1832), Filippo Taglioni, archétype du ballet romantique dira « mon ballet est une rêverie romantique ».Quant à Thierry Malandain, il s’empare de cet ouvrage en plongeant effectivement dans les thèmes récurrents au romantisme mais avec son style, sa personnalité, sa signature.
S’ensuit une chorégraphie très minutieuse qui n’est jamais en corrélation avec la musique. De contretemps en contretemps, Thierry épouse une écriture très lente où chaque pas, sur pointe ou non, est d’un charme absolu. Ces décalages enchanteurs sont sublimement bien interprétés par la compagnie. Ils possèdent tous une excellente technique et le prouvent au sein de chacune des œuvres de la soirée.
Apparait un prince charmant dont, finalement, s’éprend la ravissante sylphide. Jaloux et furieux, le poète explose le ballon lune. Entre notes d’humour, rêveries et la symbolique du romantisme, Thierry Malandain aborde un univers dont il est friand. Le public aussi !
Galerie photo © Olivier Houeix
En 2016, lors de la finale du premier concours de chorégraphes initié par le Ballet National de Bordeaux et le Malandain Ballet Biarritz, Martin Harriague remportait le deuxième prix du jury, (soit une résidence au Malandain Ballet Biarritz pour une future création de vingt minutes), le prix des professionnels de la danse et le prix du public pour son irrésistible chorégraphie de Prince.
De cette résidence à Biarritz, le bayonnais a créé Sirènes, un ballet océanique dont le chant mélodieux attira les matelots d’Ulysse. La pièce débute avec une grande voile noire de bateau sur un fond noir et un homme tirant difficilement sur les cordages tant la tempête souffle en plein océan.
Des créatures étranges et terrifiantes vivants dans les abysses laissent entrevoir un calme précaire. Mais on aperçoit un personnage recouvert de plastique qui étouffe et éprouve du mal à se mouvoir.
La voile s’ouvre et se transforme en deux grands triangles de miroirs d’où surviennent du fond de plateau des sirènes aux longues queues noires qui rampent en glissant sur le sol. S’ensuit une danse où leurs longs cheveux et leurs appendices se reflètent dans une ambiance voluptueuse et magique. Mi-femmes, mi-poissons, le haut du corps recouvert d’un filet transparent, elles sont à la fois violentes et ensorcelantes.
Délivrées de leurs queues de poisson les danseuses côtoient un animal insolite issu des grandes profondeurs. Des danses de groupe se forment et se déforment dans un style très proche de celui de Thierry Malandain sans pour autant atteindre une telle perfection.
Galerie photo © Olivier Houeix
Ensuite, tous les interprètes toujours vêtus de noirs se rejoignent en rond dos au public et font d’un seul coup voler un nombre incalculable de sacs en plastique. L’océan pollué ! L’océan Pacifique et la découverte d’un gigantesque continent de déchets. La faune et la flore en danger à cause de ces matériaux chimiques dont la biodégradabilité peut être de cent à cinq cent ans…
Une pièce noire qui envoie un message au monde entier par le biais de la danse. Mais il y manque une certaine forme de poésie, le chatoiement des couleurs des sirènes et surtout la notion de l’eau. Cette façon si spéciale d’évoluer dans le monde sous marin avec douceur et les difficultés inhérentes aux courants. Cette façon de « voler » dans le vide où le corps est si libre d’y effectuer toutes sortes de mouvements comme en apesanteur.
Sophie Lesort
Spectacle vu au Victoria Eugenia de San Sebastián le 6 avril 2018
Rêverie romantique et Sirènes les 5 et 6 juin à la Gare du Midi de Biarritz dans le cadre du rendez-vous sur le quai de la Gare.
En ouverture du Festival Cadences à Arcachon le 21 septembre 2018
Nocturnes : chorégraphie Thierry Malandain
Musique : Frédéric Chopin
Pianiste : Thomas Valverde
Conception lumière : Jean-Claude Asquié
Réalisation costumes : Karine Prins
Rêverie Romantique : chorégraphie Thierry Malandain
Musique : Frédéric Chopin
Réalisation costumes : Véronique Murat, Nelly Geyres, Charlotte Margnoux
Sirènes : chorégraphie, décor et lumière Martin Harriague
Musiques : Antonio Vivaldi, Arcangelo Corelli, Francesco Araia & Hermann Raupach
Assistante chorégraphique : Shani Cohen
Costumes : Mieke Kockelkorn
Réalisation costumes : Véronique Murat, Nelly Geyres, Charlotte Margnoux
Réalisation accessoires : Annie Onchalo
Conception décor : Frédéric Vadé
Interprètes, toute la compagnie du Malandain Ballet Biarritz
Catégories:
Add new comment