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Olga Dukhovna et Mélanie Perrier aux Rencontres

Les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis présentaient deux créations de talentueuses chorégraphes, toutes deux artistes associées au TLA dans le cadre de Territoires de la danse avec le soutien du Département. Deux belles surprises.

On le savait déjà, Olga Dukhovna n’aime rien tant que recycler d’anciennes gestuelles pour les interroger et les confronter à notre contemporaénité. Après le Lac des cygnes dont elle questionnait la portée politique du temps de l’ex-URSS (lire notre critique) elle s’attaque cette fois au gopak, cette danse d’origine ukrainienne, héritée des Cosaques, érigée en symbole de l’Ukraine, dont on peut voir toutes sortes de versions sur Internet. Sauf que, celles-ci sont toutes plus ou moins copiées sur les chorégraphies d’Igor Moïsseiev, qui remit au goût du jour, après la 2e Guerre mondiale, tout un folklore russe triomphant, et surtout totalement reconstruit. D’où la démarche de la chorégraphe ukrainienne Dukhovna, qui après tout, ne défigure pas plus que son illustre prédécesseur, cette danse dont l’original reste un mythe.

Dès le départ, nous voyons bien que l’utilisation de ces danses folkloriques ont une visée politique. Dans les années 1950, il s’agit à travers elles, de renforcer le sentiment d’appartenance nationale à une entité qui comporte beaucoup de « nations ». En 2024, il est difficile d’exclure de notre champ de vision la guerre qui se déroule à nos portes.

Dans son duo, Hopak, Olga Dukhovna utilise les figures de plusieurs danses pour les résumer dans un seul geste, comme un manifeste. Il y a d’abord cette arrivée presque tonitruante, où les deux interprètes (Olga Dukhovna et François Malbranque) ouvrent les bras d’un air vainqueur, avec un sourire radieux, qui condensent presque toute la danse dite « de caractère » dont on devine le projet d’affirmation de soi et de son folklore autochtone. Mais dans Hopak, les bras conquérants se transforment vite en posture déconfite. Les épaules s’affaissent, les genoux hésitent, les têtes se baissent graduellement. De même pour ces sauts si virtuoses où l’un attrape l’autre pour mieux prendre son élan qui peuvent retomber comme un soufflé, ces frappes des talons assenés ou encore, les noms donnés par Dukhovna à ces pas, qui s’avèrent de plus en plus ridicules. Extrêmement bien composé, ce petit bijou chorégraphique est accompagné par la composition sonore électro et l’accordéon de Dennis Weijers, le troisième homme de ce spectacle, qui ajoute encore du sens et de l’ironie avec ses airs venus du passé qui se dissolvent en se frottant à la gestuelle. Le fait de le présenter en plein air, sur le parvis du Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France, rendait le spectacle encore plus pertinent dans sa dimension populaire, comme en témoigne la présentation amusante du vocabulaire dansé à la fin de la performance saluée par des applaudissements. Une vraie réussite.

Réussie, la création de Mélanie Perrier, Jusqu’au moment où nous sauterons ensemble, pour cinq interprètes, l’est aussi. Là encore, le rapport à la musique est essentiel, et la présence du compositeur et musicien Thierry Balasse au gong est partie prenante de ce spectacle. Cet instrument magnifique étant tout autant musical que scénographique, le « décor » comprenant uniquement ses lueurs de bronze et la lumière que réfléchissent de fines tubulures de métal est à la fois simple et magique. Là tout est vibration. Reste aux cinq interprètes à s’emparer des sons qui se propagent pour en dégager le côté percussif nécessaire pour s’envoler. Mais avant, comme des oisillons en apprentissage, les voici qui cherchent à s’élever dans les airs en montant sur la demi-pointe, mais sans l’extension que permettrait le plié.

Dans un travail contrapuntique bien mené, les danseurs s’organisent en ligne tous à l'unisson, se démembrant en sous-ensembles qui décalent ce bel ordonnancement, où chacun balance ses bras devant lui pour trouver, sinon un élan, au moins une énergie commune. Toute la saveur de cette création tient à ces tentatives de décoller du sol, ces soulèvements perpétuels, jusqu’au moment où ils sautent – enfin – ensemble dans une détente finale.

Agnès Izrine

Vu le 25 mai 2024, Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France dans le cadre du Nocturne Danse # 46, et des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis.

HOPAK d'Olga Dukhovna :  9 juin 2024 à 19h30 Promenade des Marronniers à Uzès dans le cadre du Festival La Maison Danse

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