« Le Corps de la ville à Nouméa » de Nicolas Habas
Rendez-vous sur notre nouvelle plateforme de films de danse. Une autre manière de découvrir la danse !
Notre plateforme s’emploiera à mettre en valeur des films et vidéos consacrés à la danse, des captations de pièces chorégraphiques, mais aussi et surtout des œuvres par elles-mêmes, tous genres confondus – documentaire, expérimental, film d’art, etc. – présentant un intérêt particulier et ayant une incontestable valeur artistique.
Du lundi 6 à midi au mercredi 15 décembre à midi vous pourrez visionner Le corps de la ville à Nouméa de Nicolas Habas !
Ce documentaire écrit et réalisé en 2019 par Nicolas Habas nous présente divers styles de danses, d’interprètes et de chorégraphies filmés de nos jours en Nouvelle Calédonie, captés non sur scène mais in situ, dans divers quartiers, paysages et contextes, à Nouméa et dans ses environs – du port autonome à l’avenue de la Libération, en passant par le quartier asiatique, le Médipôle de Koutio, l’ïlot Signal.
Nature
Le corps de la ville, un titre bien trouvé, relève, du moins si l’on s’en tient à un premier coup d’œil, du reportage pour National Geographic et du film de danse. À y regarder de plus près, l’opus ne se complaît ni se limite à un bout-à-bout de plans de type cartes postales touristiques comme nombre de documentaires. Tout n’est pas idyllique à l’écran. Les prises de vue du centre urbain montrent ainsi, en arrière-plan, les barres d’immeubles HLM sans que le réalisateur ait éprouvé le besoin de les refouler en décadrant ou recadrant les scènes. La zone industrielle, avec ses vapeurs carbonées, fait d’ailleurs l’objet d’une assez longue séquence.
Les installations portuaires, le jeu de pousse-pousse avec les conteneurs multicolores pris de profil ou bien en vue aérienne font office de décors futuristes, constructivistes, pour Clancy Tenene, la danseuse qui inaugure la bande, enregistrée dans le port autonome de Nouméa. Les eaux transparentes de la baie, la variété des paysages, des sols limoneux, de la végétation et de la lumière solaire contrastent avec les signes d’une présence humaine qui vont du geste architectural à celui du du mouvement sans objet, qui est sans doute l’essence même de la danse.
Technique
Pour ce qui est de la manière de filmer, on notera d’emblée la concurrence des mouvements de caméra avec ceux du profilmique, autrement dit des traces inscrites par les danseurs dans le champ assez vaste qui leur est ici offert. La caméra virevolte, autant sinon plus que le danseur ou la danseuse. Celle-ci n’est pas seulement portée à l’épaule, comme le préconisait Jean Rouch, l’auteur de films ethnographiques et de ciné-transes qui refusait de la fixer sur pied et était adepte du plan-séquence. Les chevauchées d’un point à l’autre, les travellings circulaires, les panoramiques en tous sens, les vols sont obtenus par une caméra embarquée sur drone, comme celle dont fit usage Werner Herzog dans son documentaire La Grotte des rêves perdus (2010).
La distance entre l’objectif et son sujet principal, le corps du danseur, peut, dès lors, être considérable, elle sera écourtée à volonté. Par cet effet d’isolement ou, au contraire, de rapprochement, Nicolas Habas fabrique aussi des transitions entre les séquences, les reliant au montage, simulant ainsi le plan-séquence, comme celui au début de Soy Cuba (1964) de Mikhail Kalatozov, produisant artificiellement un continuum. La distance donne de la grandeur au décor. Réduite à vue d’œil, elle dynamise ce qui n’a pas nécessairement lieu d’être. Elle rend sa dignité, sa valeur, sa beauté à la nature et déplace, littéralement, les montagnes. Ces images aériennes sont signées Julien Del Valle.
Cinédanse
Que ce soit en solo ou en groupe, les danseurs présentent différentes disciplines : le hip-hop, le contemporain, le parkour, le néoclassique, le traditionnel. Ils sont tous, sinon virtuoses, du moins singuliers et méritent d’être mentionnés : Richard Digoué, Soufiane Karim, Linda Kurtovitch, Simane Wenethem, Julien Leboulanger, Yoan Ouchot, Elsa Gilquin, Clancy Tenene, Anh Tuan "Krilin" N'guyen, Zerbina Poarareu, Kaie Hnautra, La troupe du Wetr Kumo.
Nicolas Habas a pratiquement tout assumé : l’écriture, le repérage, le choix des interprètes, la prise de vue au sol, le montage. Son documentaire se passe de tout commentaire mais, chose rare qui mérite d’être signalée : il recourt volontiers aux trucages, certains datant de Méliès, voire de Lumière (on pense au film défilant en marche-arrière comme le saut d’un plongeur), d’autres étant facilités par le numérique, comme la démultiplication d’un danseur au moyen de l’incrustation. Le beau générique final est un chant traditionnel interprété par la troupe du Wetr Kumo.
Nicolas Villodre
Le corps de la ville à Nouméa -Un film de Nicolas Habas © JPL Productions - AV Com - France Télévisions - 2021 Musique originale Yohan Landry
Avec le soutien du ministère de la Culture / Direction générale de la création artistique, du CNC, de la Région Auvergne Rhône-Alpes, et du Fonds de soutien audiovisuel du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie.
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