Festival Kalypso : Rencontre avec Bouziane Bouteldja
Dans le cadre du festival Kalypso, Bouziane Bouteldja présente Ruptures (lire notre critique) le 25 novembre à la MAC de Créteil. Une pièce puissante et troublante créée en 2021 à Tarbes. Le danseur et chorégraphe, qui a fondé la compagnie Dans6T en 2006 à Tarbes, dévoile avec ferveur l’origine de cette œuvre et ses projets.
Danser Canal Historique : Quelles ont été vos inspirations pour nourrir cette pièce ?
Bouziane Bouteldja : Je me suis basé sur le changement climatique que subit notre planète. Entre la terre qui se transforme en boue et des régions où la sécheresse est si épouvantable que ces situations dramatiques et invivables engendrent obligatoirement les migrations. Ces hommes, ces femmes et leurs enfants tentent pour autant de s’adapter. Mais avouons-le, comment trouver des appuis dans la boue ? C’est justement ce qui est dessiné dans cette pièce qui débute avec une ode à la nature et aux oiseaux, pour ensuite basculer vers l'histoire de ces êtres prêts à tout pour franchir des frontières insurmontables afin de trouver un minimum de conditions vitales.
DCH : C’est d’une vérité saisissante !
Bouziane Bouteldja : Absolument. C’est la force d’un artiste d’être en adéquation et en lien émotionnel avec son temps. Il faut arrêter de se voiler la face. Le changement climatique crée les migrations et les enjeux vont devenir très forts. On va assister à des arrivées en masse. En conséquence il faut espérer que les mentalités changent et qu’on arrête de simplement jouer avec des chiffres.
DCH : Est-ce une pièce très noire ?
Bouziane Bouteldja : Pas du tout. Grâce à la musique de Le Naun, aux lumières de Cyril Leclerc et surtout à la danse et au talent fou des interprètes, nous abordons différents thèmes où l’amitié, parfois l’humour et la sensibilité offrent un portrait lucide porteur d’espoir. Il s’agit d’un hommage à mon père et aux explorateurs.
DCH : Il apparait que la distribution a changé ?
Bouziane Bouteldja : Á l’époque, les trois danseurs marocains n’avaient pas pu obtenir de passeports et aujourd’hui, tout est ok. Ruptures est interprété par Mathide Rispal, Alison Benezech, Zineb Boujema, Soufiane Faouzi Mrani, Redouane Nasry, Med Medelsi.
DCH : La pièce a-t-elle beaucoup tourné depuis sa création en 2021 ?
Bouziane Bouteldja : Oui, nous avons joué au Portugal, en France, au Maroc et nous préparons la saison prochaine dans les pays de l’est. C’est formidable ! Mais je tiens surtout à remercier Mourad Merzouki parce que je suis très fier qu’il m’ait programmé au sein de son festival Kalypso. C’est très intéressant pour une compagnie installée à l’autre bout de la France d’être vue à Paris, et surtout d’être soutenue par une des personnalités du hip-hop.
DCH : Aujourd'hui quels sont vos projets ?
Bouziane Bouteldja : Nous venons de faire danser 600 gamins dans la cour d’un collège près de Tarbes. En fait, nous dansions déjà lorsqu’ils sont sortis en récréation. Mélanger les styles entre classique, hip hop, drill… les a interpellés. Puis, nous les avons titillés en leur démontrant aussi que les danses orientales ne sont aucunement sensuelles afin de casser les barrières et d’ouvrir leurs regards sur le fait que filles et garçons sont égaux. Mais surtout cette relation formidable avec les jeunes, et tout autant au sein de Dans6T, prouve que la compositiondu mouvement ouvre des canons d’échanges que les mots ne permettent pas. La danse devrait être d’utilité publique ! J’avoue que danser au collège me procure un rare bonheur, j’ai l’impression d’être à l’Opéra !
DCH : Mais vous ne dites pas tout…
Bouziane Bouteldja : Je pars travailler à Marseille avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Il s’agit de mineurs suivis par la justice. Plusieurs fois dans l’année je suis en résidence avec eux en tant qu’aidant à l’émancipation, à l’ouverture au monde, pour sortir de leurs carcans, de leurs obligations et traditions… C’est dur, mais quand je les vois danser ça remplit mon bol de vie. Le résultat sera joué à La Friche dans le cadre des Écritures du Réel.
DCH : Vous êtes effectivement totalement immergé dans les faits sociétaux du XXIe siècle.
Bouziane Bouteldja : C’est mon credo. La danse m’a permis de me construire et d’accepter que le corps soit brisé. Elle est universelle et m’offre la possibilité de continuer à avoir espoir en l’humanité.
Propos recueillis par Sophie Lesort
Le samedi 25 novembre à 19h30 la MAC de Créteil dans le cadre du Festival Kalypso
Ruptures
Chorégraphie : Bouziane Bouteldja
Interprètes : Mathide Rispal, Alison Benezech, Zineb Boujema, Soufiane Faouzi Mrani, Redouane Nasry, Med Medelsi
Assistance chorégraphie : Alison Benezech
Création musicale : Le Naun
Lumières : Cyril Leclerc
Scénographie : Clément Vernerey
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