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Cristina Caprioli, Lion d'Or de la Biennale de Venise

La chorégraphe Cristina Caprioli, 70 ans, était la récipiendaire du Lion d’Or pour l’ensemble de sa carrière de cette Biennale de Danse de Venise, intitulée We Humans (Nous, Humains) et présentait donc, à cette occasion, plusieurs pièces qui tiennent plus de l’installation et de la performance que du spectacle et interrogeaient la place de l’humain et de la danse, notamment dans notre société hypertechnologique.

Ce qui était l’un des attendus de son directeur artistique, Wayne McGregor, qui souhaitait ouvrir un « dialogue à travers la danse, avec la nature, la science, la technologie et la politique » pour cette 18e Biennale qui marquait sa quatrième édition en tant que directeur artistique. « À une époque où la technologie nous permet de voir les événements de l’autre côté de notre planète se dérouler en temps réel et avec des détails graphiques, nous sommes mis au défi – comme à aucun autre moment de l’histoire – de nous demander où se situe notre humanité et de y accéder grâce à une connexion plus profonde avec notre propre état incarné. Nous, les humains, sommes le mouvement. » affirmait-il. Et effectivement, la plupart des spectacles que nous avons pu découvrir lors de ce festival de danse très international, posaient cette problématique à partir d’angles très différents. Que ce soit à travers celui de l’IA pour Nicole Seiler [lire notre critique], ou de l’effondrement de la biodiversité ou du bouleversement climatique chez Alan Lucien Øyen [lire notre critique].

C’est d’autant plus le cas avec Cristina Caprioli. danseuse, chorégraphe, théoricienne expérimentale, universitaire et commissaire qui pense la chorégraphie comme « un discours critique en mouvement continu », dans lequel l'acte créatif n'est jamais séparé de la réflexion et est, au contraire, une pensée qui soulève des questions sur faire danser au moment même où la danse est générée. Bien que née en Italie, cette grande figure de la danse scandinave, car elle vit et crée en Suède, présentait quelques-unes de ses dernières œuvres et une nouvelle création : Deadlock et Flat Haze respectivement au Teatro alle Tese et à la Sale d'Armi de l'Arsenale, pendant toute la durée du Festival (18 juillet > 3 août). On entre dans DEADLOCK (Impasse) comme dans un labyrinthe tout en courbes et sinuosités, qui semblent nous entraîner vers un lointain intérieur.

Galerie photo : Andrea Avezzu'

L’ambiance sonore de Richard Chartier, Variable Dimensions (2020) ajoute à cette dimension de plongée dans l’inconnu, tout comme l’obscurité du Teatro alle Tese de l’Arsenale de Venise troué par les lumières pâles de Thomas Zamolo qui s’avèrent être le film d’une danseuse invisible. Ses bras, ses mains, sa gestuelle faite d’envolées et de torsades, font surgir autant de fantômes qu’ils suscitent notre imaginaire laissant affleurer notre inconscient comme des bulles remontant des profondeurs. Mais soudain, la danseuse Louise Dahl apparaît. Se déplaçant dans ce dédale, son corps multiplié sur les convexités des murs écrans, elle subjugue par sa danse à la fois évanescente et d’une force peu commune. Une sorte de forme émergente de virtuosité physique. Comment parvient-elle à être fantasme et terrienne, à se confondre avec son image tout en s’en détachant radicalement ? Humaine et non humaine ? Tel est le mystère que Cristina Caprioli maîtrise et surtout arrive à nous faire partager dans cette installation esthétique très en phase avec le thème de cette 18e Biennale de danse de Venise.

Flat Haze est tout aussi surprenant et intelligemment pensé. Au début, en entrant dans la Sala d’Armi de l’Arsenale, on ne perçoit que l’installation qui définit un espace résolument horizontal par des fils de pêche tendus assez bas qui forment donc ce Flat Haze, cette « brume plate » qui dans un premier temps crée une vibration oculaire qui a tendance à faire disparaître, voire à obscurcir la vision. Peu à peu, l’œil découvre deux interprètes, Annika Hyvärinen et Oskar Landström, qui émergent de cette étrange œuvre plastique, qui fait tout autant penser à un monde aseptisé qu’à un code barre ou un no man’s land où tout est possible.

Galerie photo : Andrea Avezzu'
 

Ils dansent dans, dessous, entre ces fils de nylon créant une sorte de confusion visuelle entre leurs corps et cet environnement, qui entrave le mouvement et libère l’imagination dans cette observation parcellaire et vacillante du mouvement qui semble se perdre dans une autre dimension. C’est aussi déconcertant qu’hypnotisant et apaisant. La performance, découpée en huit séquences, dure huit à neuf heures. Chaque heure, une chorégraphie différente est exécutée, totalisant une série de neuf images.

Le public est libre de rester une minute ou toute la journée. Une chorégraphe à découvrir en France !

Agnès Izrine

Les 24 et 25 juillet 2024, Biennale de Danse de Venise, Biennale Danza di Venezia, L’Arsenale, Teatro alle Tese et Sala d’Armi.

 

 

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