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« Baobabs » de Josette Baïz

Le Grand Théâtre de Provence a permis à un public restreint de découvrir la nouvelle création de la chorégraphe Josette Baïz, Baobabs, dansée par une quatorzaine d' enfants âgés de huit à treize ans, la parité penchant en faveur des filles. Elle a bénéficié des éclairages atmosphériques de Dominique Drillot, de l’efficace composition électro-acoustique de Thierry Boulanger, des magnifiques et inquiétantes images numériques HD du pionnier de la cinédanse Luc Riolon.

Ballet militant

On sait que la préoccupation environnementale qui fut jadis un leitmotiv romantique s’est aujourd’hui transformée en cause et même en partis politiques. De la marge, la question est passée au tout premier plan. Mais qui, de nos jours, se souvient de Rachel Carson et de son ouvrage Silent Spring (1962) ? De René Dumont, de Michel Crépeau ? De Fournier, de Gébé ? Depuis la prise de conscience des sixties, l’évolution des mentalités n’a pas été sans revirements, reniements, retournements vestimentaires, changements de cap de bâbord à tribord – rarement dans l’autre sens. 

Sans remonter au musical réaliste-socialiste, urbain ou kolkhozien, de type Joyeux garçons (1934) ou Volga-Volga (1938) qui prétendait rivaliser avec les productions de Broadway ou de Hollywood, au théâtre d’Agitprop incarné en France par le Groupe Octobre, aux pièces du danseur « rouge » Hans Weidt, aux ballets et opéras maos genre Le Détachement féminin rouge (1964) ou La Fille aux cheveux blancs (1965), à des propositions « collectives » telles que Hymnen (1970), collaboration du chorégraphe Michel Descombey avec le peintre Gérard Fromanger sur la musique éponyme de Stockhausen, on peut dire que Baobabs innove, par son contenu et par sa forme, dans le domaine d’un art au service d’une autre cause que la sienne.

Un art abstrait et pourtant si parlant

C’est ainsi que le compositeur Thierry Boulanger qualifie la création du groupe Grenade qui veut éviter l’écueil du didactisme mais demeurer pédagogique. Non seulement celle-ci est particulièrement éloquente, mais elle reste, par l’abstraction qui est propre à une partie de la danse contemporaine, plaisante à voir. Quoique Baobabs se veuille, selon son autrice elle-même, un « conte écologique », l’opus ne se présente pas sous une forme narrative mais sous celle d'une structure théâtrale en huit tableaux distincts, espacés par des fondus au noir, dont l’unité est maintenue par la polyrythmie d’une bande son tumultueuse du début à la fin et par la fluidité de danseurs en perpétuel mouvement.

Baobabs, qui tire son nom d’un arbre sacré aujourd’hui sacrifié – littéralement brûlé par le réchauffement planétaire, comme le démontre le début du film de Riolon – permet à la jeunesse, à l’adolescence, à l’enfance de s’exprimer. Non seulement par le geste mais aussi par le texte qui, par endroits, le surligne. Pas évident de donner la parole à des gamins autrement qu’en la synthétisant, la stylisant, la réécrivant. Les qualités prosodiques des interprètes ne font pas défaut : ceux-ci passent aisément d’un moyen d’expression à l’autre, que ce soit comme traducteurs des suites de danses du monde adaptées par la chorégraphe ou comme porte-paroles du message d’une autrice adulte.

Galerie photo © Olga Putz / Yvon Alain / Léonard Ballani

Enfance de l’art

Nous avions déjà repéré le talent – car c’en est un – de Josette Baïz à prendre en considération, et donc au sérieux, le monde de l’enfance. Aussi bien dans le film de Luc Riolon, Mansouria (1990), que dans la pièce de hip hop dansée par une troupe de fillettes en 1996 à La Villette qui contrastait avec les shows de compagnies de danse « urbaine » excluant, si l’on excepte Aktuel Force, l’élément féminin, ou bien dans certaines reprises, au Théâtre de la ville, de créations aixoises. Dans le cas qui nous occupe, la barre est placée encore plus haut, tant la maîtrise technique est étonnante. 

De ce fait, les interprètes méritent d’être nommés : Hector Amiel, Zhina Boumdouha, Ethel Briand, Victoire Chopineaux, Thelma Deroche-Marc, Joanna Freling, Nina Koch, Tristan Marsala, Lou Gautron, Mathis Fruttero, Louka Porzizek, Douhra Mimoun, Lilith Orecchioni, Lise Peronne. On n’est plus dans une révolte écolière pittoresque à la Vigo, dans une allégorie potache à la Jarry, dans un héroïsme lilliputien à la Bugsy Malone...

La maturité, le professionnalisme, l’énergie déployée, le contrôle, la finesse de chacun touchent le spectateur. Et font de cet œuvre une réussite esthétique.

Nicolas Villodre

Vu le 2 mars 2021 au Grand Théâtre de Provence, à Aix.

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