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Alan Lucien Øyen : « Still Life »

A la Biennale Danza de Venise, intitulée par Wayne McGregor, son directeur artistique, We Humans, un superbe spectacle du chorégraphe norvégien nous alerte sur la mort de la nature.

Still Life qui signifie Nature morte en français pour désigner un style de peinture où figurent des objets – souvent végétaux, immobiles, a pour source d’inspiration une phrase d’Andy Godsworthy « Nous oublions souvent que nous sommes la nature. La Nature n’est pas une chose séparée de nous. Donc, quand nous disons que nous avons perdu la connexion avec la nature, nous avons perdu la connexion avec nous-mêmes. » nous expliquait Alan Lucien Øyen lors d’un entretien récent, alors qu’il était en pleine création de cette pièce à Kobé. Et il est vrai qu’à notre époque soit-disant « hyperconnectée » c’est un vrai paradoxe. . Car face à cette nature en train de mourir, c’est nous qui restons immobiles, comme des morts vivants attendant le coup final.

Sur le plateau, Daniel Proietto, interprète fétiche du chorégraphe norvégien qui a étudié la danse traditionnelle japonaise dans la très réputée école Fujima, et Mirai Moriyama, danseur, acteur, et star du cinéma et de séries télévisées au Japon incarnent ce propos, ainsi qu’un chœur recruté dans chaque ville traversée. Ici donc, dix chanteurs vénitiens remarquables. Ces personnages sont comme porteurs de la voix du monde ou de la nature, les mots ayant toujours une grande importance chez Alan Lucien Øyen, moins pour leur sens que pour leur flux, leur ressac pourrait-on presque dire. En accord avec la composition d’Henrik Skram et le sound design de Mathias Grønsdal, qui baigne Still Life d’un effet sonore où la mer le dispute aux bruits de la forêt.

Le parti pris d’Øyen, qui consiste, non pas à poser sur le plateau une sorte de spectacle-manifeste mais au contraire, un duo d’une grande beauté, est une vraie trouvaille. La danse, un duo d’hommes d’une grande sensualité et d’une folle tendresse, s’enroulent et se déroulent avec une fluidité sans faille, sans cesse sous-tendue par l’immobilité comme force d’inertie sous-jacente. La scénographie, tout en vapeurs et brumes traversée de rayons lumineux fait surgir des images hallucinatoires tandis que Proietto et Moriyama déploient leurs corps hybrides, et dont l’extrême organicité pourrait faire penser à des ramifications végétales, des ramures végétales ou animales, arbres ou cerf dans leurs enchevêtrements de bustes et de bras.

D’ailleurs les voilà qui apparaissent vers la fin, le chœur portant des coiffes élégantes et sophistiquées de « bois » qui nous rappellent que nous nous sommes chassés volontairement de ce Paradis définitivement perdu où nous ne formions qu’un avec la nature sur cetteTerre, que nous continuons implacablement à détruire.

Le final, où une toile peinte représentant l’océan tombe à terre pour être bientôt remplacée au sol par une couverture de survie aux reflets dorés dont l’effet scintillant est merveilleux, résume à lui seul toute notre inconséquence, ou comment remplacer la mer originelle par une étendue de plastique, aussi brillante qu’étouffante.

Agnès Izrine

Le 23 juillet 2024, Biennale di Venezia, Biennale Danza, Arsenale - Teatro alla Tese.

Distribution
Concept: Alan Lucien Øyen
In collaboration with Daniel Proietto, Mirai Moriyama
Direction and choreography: Alan Lucien Øyen
Stage and costume design: Aida Vaineri, Alan Lucien Øyen
Composition: Henrik Skram
Sound design: Mathias Grønsdal
Lighting design Martin Flack

 

 

 

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