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« La Visita » de Peeping Tom à La Salpêtrière

A la croisée des soins, de la sculpture humaine et du spirituel, le premier projet in situ de Gabriela Carrizo a ensorcelé la Chapelle Saint-Louis.

La Visita est une façon pour le collectif Peeping Tom de transporter l’univers de leurs spectacles dans des lieux atypiques, entraînant le public à se déplacer comme dans un lieu muséal. Cette formule, qui a reçu le Prix Fedora - Van Cleef & Arpels pour le Ballet, a été créée à Reggio Emilia, à la Collezione Maramotti. Cette fois, c’est la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, un bâtiment octogonal de style classique commandé par Louis XIV pour l’hôpital, qui sert de cadre à cette déambulation onirique.

Les Peeping Tom n’avaient jamais fait ça. Toujours là pour construire des espaces énigmatiques et surréels pour leurs histoires de familles métaphoriques, Gabriela Carrizo et Franck Chartier n’envisageaient pas vraiment de quitter les plateaux de théâtre. C’est en effet une autre paire de manches quand on se met à travailler dans des lieux possédant une âme si forte qu’elle va imprégner une création de bout en bout. L’idée d’investir des lieux d’art d’un autre type est venue pendant le confinement, par le biais du Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA) où la compagnie est actuellement en résidence. 

Galerie photo © Laurent Philippe

Nous avons donc suivi cette Visita à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière. La bâtisse au cœur octogonal qui accueille régulièrement spectacles, concerts etc., enchante de plus en plus les chorégraphes. Dernièrement on a pu y rencontrer les univers de Lucinda Childs et Israel Galván, et les deux s’étant emparés de l’espace de manières fort différentes. Pour Bach 6 solo  de Childs, les huit nefs de la chapelle, construites en forme d’étoile autour du rond central accueillirent des gradins et ce fut le concert dansé qui tourna [ Lire notre critique]. On était presque dans un magic mirror ou un chapiteau de cirque. Galván, lui, a amené son public à travers l’espace, et il fallait le suivre avec assiduité, sous peine de se perdre dans ce labyrinthe nocturne [Lire notre critique]. 

Chez Carrizo, c’est au contraire quasiment l’effet recherché. Une bougie (électrique) à la main, le public était libre de se déplacer, de suivre les sons ou éclairages se déclarant de tel ou tel côté de la chapelle ou bien de partir en exploration pour découvrir quelques secrets de fabrication. Il fallait cependant une petite âme d’aventurier, une curiosité et une volonté à se dégager du groupe pour être précurseur, ou bien rester plus longtemps à observer les personnages. 

Galerie photo © Laurent Philippe 

Eurudike De Beul, la mezzo-soprano fidèle à Peeping Tom, jouait ici une bonne sœur et ne déballa sa voix que face au fou qui, le torse nu et gesticulant de façon apparemment désordonnée, se laissait finalement amadouer par le chant. Il y avait la femme qui, debout sur une plaque tournante, se laissait emballer par une autre, prenant soin d’elle et l’attachant en même temps. On trouva, entre les chaises de la nef à l’orgue, un homme qu’on voyait prendre forme sous les mains de la sculpteuse, tel un Golem sous nos yeux à partir d’un bloc d’argile imaginaire. 

Aussi se mélangeaient l’atelier de sculpture, les soins et l’univers de la folie, tel un fantôme du docteur Charcot qui mena à La Salpêtrière ses fameuses expériences sur les malades de l’esprit. Et on découvrit, au gré de ses déplacements, des vues sur l’architecture de la Chapelle qui pouvaient faire croire qu’on se trouvait en extérieur, face à un monument romain. Au bout du compte il manquait certes une touche supplémentaire de clarté ou de présence dans certaines étapes de l’installation, mais cette Visita laissera tout de même à ses visiteurs le souvenir d’images singulières. 

Thomas Hahn

Vu le 28 septembre 2022 à la Chapelle Saint-Louis de de La Salpêtrière, 

Programmation du Théâtre de la Ville Hors les murs

Concept & mise en scène Gabriela Carrizo
Composition sonore Raphaëlle Latini
Scénographie Amber Vandenhoeck
Aide à la dramaturgie Raphaëlle Latini
Conception lumières Bram Geldhof
Accessoires et costumes Nina Lopez le Galliard
Création & interprétation Charlotte Clamens, Eurudike De Beul, Marie Gyselbrecht, Brandon Lagaert, Yichun Liu, Romeu Runa
Avec la participation de personnes des différents corps de métiers de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière

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