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À Ardanthé, une chanteuse enfonce le clou

Une soirée partagée au Générateur (Gentilly) et une création à Vanves ont tenté de nouvelles fusions danse-performance-musique. Avec une révélation inouïe grâce à une vocaliste et un bricoleur. 

Lotus Eddé Khouri & Jean-Luc Guionnet : Reciprocal Scores

Si elle écrit pour lui, et lui pour elle, la rencontre est-elle automatiquement réciproque ? Dans une série d’essais, la chorégraphe-interprète et le compositeur freejazz cherchent un terrain de rencontre.

Mouvements répétitifs, poses, tension, relâchement, sons continus, électroniques ou naturels, pleins feux ou obscurité : Tout peut nourrir ce zapping sans aboutir nulle part. Aucun but n’étant affiché, tout constat de réussite ou d’échec est caduc, le terrain de rencontre entre danse et musique restant ici particulièrement vague. Ni fusion, ni opposition. La mise en scène d’une tentative. Où la tentative même est le but.

Claire Bergerault & Christophe Macé : Dual

Mais alors, quel pourrait bien être le lien entre une chanteuse-accordéoniste et un plasticien-bricoleur qui partagent un plateau pour la première fois ? D’abord, les deux sont de grands improvisateurs.

Et puis, ces deux identités sont si affirmées et affinées que la rencontre part sur des bases très solides. Ces deux-là ne font pas le tour des styles. Ils savent où ils vont, ensemble, partageant le goût pour le geste artisanal et les objets du quotidien, l’absurde, le dadaïsme et l’improvisation.

La simplicité de Dual fait sa force. Instruments de musique, outils et matériaux de bricolage se mélangent au sol et dans la partition, plastique ou sonore. Le corps de la chanteuse s’intègre dans une sculpture de bois, construite en direct. Le son d’un bout de bois qui tombe ou d’une chaise peut instruire les vocalises stridentes de Bergerault qui peuvent à leur tour évoquer des sons de bricolage. Ce retour au Bauhaus (dans tous les sens du terme allemand) résonne avec clarté et facétie. C’est ce qui s’appelle: Enfoncer le clou. Dual était la révélation de la soirée.

Fernando Cabral : Une émotion - une pièce matérialiste (volet 2)

Annoncée comme traitant de la chute physique et de l’abandon, cette pièce prend la forme d’un duo (entre Fernando Cabral et la chorégraphe et artiste visuelle Muriel Bourdeau), accompagné à la guitare électrique (par le compositeur Sylvain Le Formica). Les lignes de partage semblent alors clairement dessinées. La musique serait du côté de l’émotion alors que le corps, lui, subirait la gravité. Après tout, Cabral qui s’est formé à la Folkwang Schule d’Essen (Allemagne) et au CNDC d’Angers, appelle sa compagnie Corpo Material. L’accompagnement à la guitare se contente en effet d’un partage des tâches assez classique, le musicien se tenant à la marge, sans interagir physiquement. Ce n’est qu’à la fin que Bourdeau, couchée sur le dos, enlace un baffle, créant le premier contact physique entre danse et musique.

La pièce commence telle une anthologie de la chute, portée par une grande densité. Chute de la femme dans les bras de l’homme. Chute dans un temps si étiré que les gestes n’ont plus début ni fin. Chutes comme conséquences de violences matérielles… Mais le phénomène de la chute provoque toutes sortes d’angoisses et est inséparable de l’émotion. Même un Merce Cunningham, peut-être le chorégraphe le plus matérialiste de l’histoire de la danse, laisse émerger l’émotion dans Winterbranch, sa pièce consacrée à la chute (1964), un film noir dansé et traversé de suspense.

Les premiers tableaux d’Une émotion - une pièce matérialiste sont à couper le souffle. La tension dramatique et émotionnelle est forte alors que les images ne renient en rien une narration éventuelle, portée par les danseurs et une belle densité musicale. Mais ensuite, la pièce abandonne ses lignes de force, pour jeter son dévolu sur quelques images d’Epinal de la performance contemporaine, de l’étirement de la peau à l’escalade dans les gradins, au contact avec le public. Le lien entre l’émotionnel et le matériel s’effrite. Cabral arrivera-t-il à donner une plus grande cohésion à ce projet, d’abord si fascinant et finalement, si décousu ?

Thomas Hahn

21e Festival Artdanthé, Le Générateur (Gentilly) le 25 mars et Théâtre de Vanves, Salle Panopée, le 11 avril 2019

 

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