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« Une Maison » de Christian Rizzo
Cet hiver à Annecy, Cristian Rizzo a créé une cérémonie pour quatorze danseurs et une structure lumineuse, qui fera date et sera le spectacle d’ouverture de Montpellier Danse 2019. A ne pas rater les 22 et 23 juin à 20h au Théâtre Jean-Claude Carrière / Domaine d'O.
Une Maison commence par la solitude d’un homme sur un vaste terrain blanc, sous une sorte de canopée faite de tubes de néon. Longiligne, parfaitement droit, il se recueille à la verticale, entre terre et ciel. Bientôt une femme va le rejoindre, tel un souvenir. La communauté va se construire, autour de lui, avec eux, pour une sorte de cérémonie ou de fête où les corps se chargent mutuellement d’énergie. On peut ici se dire que Christian Rizzo rebondit sur ses dernières créations, fortement empreintes de danses populaires. Mais Une Maison est une pièce nettement plus intimiste que ses précédentes (Le Syndrome Ian, D’après une histoire vraie) où la musique entraînait les danseurs dans une dépense frénétique.
Terreau céleste
Un tas de terreau, conique, attend patiemment avant d’être dispersé par les coups de pelle pour transformer le sol blanc en champ, aussitôt labouré par les pieds des danseurs, comme dans une rave party nocturne. Le geste du terreau lancé en l’air et à travers l’espace consacre une sépulture, prépare des travaux de construction, relance le cycle de la vie et annonce un soulagement général. Sous une lune intense, les costumes prennent des couleurs et sur les têtes apparaissent des masques animaliers ou des chapeaux coniques. On est libres et on danse comme dans un conte, en cercle ou en unissons libres, on se tient par la main ou on vrille, en levant les bras en direction du ciel.
Pendant tout ce temps, une voûte céleste très contemporaine illumine le ciel de ses néons fins et tendres. Des triangles de toutes tailles, tel un gigantesque rhizome illuminé de l’intérieur, brillent des intensités et animations les plus diverses, du scintillant au tamisé. Comme si elle était faite de soie d’araignée, la toile veille sur les Terriens et leur promet un avenir radieux, qu’il faille le chercher dans les sphères lointaines ou bien sous la toiture virtuelle de la future maison. Couvrant tout l’espace aérien au-dessus des danseurs, sur au bas mot une dizaine de mètres de large et une hauteur d’environ cinq mètres.
« Rizzome » lumineux
Une telle structure aurait, selon toutes les lois de la science scénique, la plus méchante tendance à écraser la présence des danseurs, d’autant plus que les interprètes sont ici plutôt sous-exposés, évoquant parfois des ombres vivantes ou des bestioles fourmillant au sol. Mais paradoxalement, la structure omniprésente révèle leur présence au lieu de la dissimuler. L’étonnante alchimie des présences est due à un savant équilibre entre le sol et le ciel, sphère qu’on découvre ici à sa juste valeur, alors que cet espace est généralement oublié par une branche de l’art chorégraphique qui privilégie le sol.
De ce rhizome lumineux, la chorégraphie et la qualité gestuelle épousent parfaitement l’esprit et les états énergétiques. Il conviendrait par ailleurs de l’appeler « rizzome », puisque le chorégraphe est également le plasticien qui a conçu l’envoûtante coupole lumineuse. On n’a pas encore vu un chorégraphe investir de façon aussi conséquente la sphère entre les danseurs et les cintres. Même Cunningham s’est limité à l’horizontale. Il n’est pas ici question de danse verticale, mais d’un prolongement de la présence des danseurs par une entité aussi plastique que chorégraphique.
Comme un rituel de passage
Une Maison paraît infiniment léger, malgré l’ambiance nocturne et peut-être mélancolique, malgré - chose rare - la présence de quatorze danseurs, malgré une scénographie aussi volumineuse que certaines réalisations de Peter Papst pour Pina Bausch. Avec Rizzo, ça plane… A la fin, différents éléments composés de plusieurs tubes néon montant en direction de leurs pairs.
Et au sol apparaît un fantôme blanc, saluant le cercle de ceux qui s’apprêtent à construire, ensemble, une idée de réconfort: Une maison peut-être, ou bien un rhizome de relations. Une Maison est une pièce zen et festive à la fois, du Feng Shui chorégraphique accompli, un rituel de passage qui démontre que la culture occidentale peut en produire et a tort de s’en priver.
Thomas Hahn
Vu le 5 mars 2019 à Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy,
Une Maison , Spectacle d'ouverture de Montpellier Danse
22 et 23 juin 2019 à 20h au Théâtre Jean-Paul Carrière / Domaine d'O
178 rue de la Carrierasse- Montpellier
Chorégraphie, scénographie, costumes, objets lumineux : Christian Rizzo
Interprétation : Youness Aboulakoul, Jamil Attar, Lluis Ayet, Johan Bichot, Léonor Clary, Miguel Garcia Llorens, Pep Garrigues, Julie Guibert, Ariane Guitton, Hanna Hedman, David Le Borgne, Maya Masse, Rodolphe Toupin, Vania Vaneau
Création lumière : Caty Olive
Création médias : Jéronimo Roé
Création musicale : Pénélope Michel et Nicolas Devos (Cercueil / Puce Moment)
Assistante artistique : Sophie Laly
Réalisation costumes : Laurence Alquier
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