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La Briqueterie : Les Plateaux, 24 ème édition

Les 29, 30 septembre et 1er octobre furent propices en événements non seulement à La Briqueterie, mais aussi à la MAC de Créteil. Toutes les salles, les halls et autres lieux furent utilisés afin de recevoir du début de l’après midi à 20 heures, pas moins de treize représentations, soit douze chorégraphes venus de neuf pays : Croatie, Ecosse, Espagne, France, Grèce, Italie, Irlande, Portugal et Slovaquie.

Comme le souligne Daniel Favier, directeur de la Briqueterie : « Les Plateaux sont devenus un espace de curiosité chorégraphique ». Et il a raison étant donné que ces trois jours d’immersion ont permis à un vaste public composé de professionnels et d’amateurs de danse de découvrir des artistes dont la plupart sont peu connus.

Jeudi soir à la Briqueterie, Hunted de Maud Le Pladec et Okwui Okpokwasili (voir notre critique), fut suivi par l’excellent Pere Faura avec son inénarrable Striptease. Né à Barcelone, Pere est un artiste multiple. Formé en chant, en musique, en danse, il conçoit la chorégraphie comme un lien entre les divers éléments du théâtre. Et il le prouve à merveille dans cet opus tourbillonnant qu’il interprète avec ferveur. Cette histoire d’effeuillage, qui, comme il le dit, ne dure normalement pas plus de trois minutes, engendre toute une pléiade d’histoires bourrées d’humour. Excellent comédien avec son charmant accent catalan, Pere se lance à corps perdu dans un monologue qui fait hurler de rire le public. Puis, tout en faisant la même chorégraphie que Demi Moore dans le film Striptease d’Andrew Bergman projeté derrière lui, l’artiste insiste sur le fait de savoir ce que l’on regarde le plus dans ce genre d’exercice. Cet humour noir, les séquences savamment dosées et sa forte personnalité font de cette mini conférence un savoureux délice.

Vendredi à la Mac de Créteil, le sol noir du hall nommé la piscine, était recouvert de dessins à la craie. Cinq hommes pour Homo Furens de Filipe Lourenço qui s’inspire de Full Metal Jacket de Kubrick, afin de travestir l’entrainement athlétique des commandos en mouvement dansé. Ainsi, sans jamais reprendre leurs souffles, les interprètes glissent, rampent, s’entrechoquent, se croisent, sautent, passent les uns sur les autres dans un rythme effréné doté de quelques notes d’humour. On ressort épuisé tant cette pièce où les corps se nourrissent du geste est bien pensée, parfaitement bien écrite et formidablement bien interprétée.

Une fois le sol nettoyé, ce furent huit petites minutes qui ressemblaient à une jolie pépite que nous a offert l’irlandaise Oona Doherty avec Lazarus and the Birds of Paradise (Part.1). Vêtue d’une longue chemise et d’un pantalon blancs, son langage corporel très intense raconte son vécu entre présent et passé. Née à Belfast, elle ravive les stéréotypes oubliés sur une partition de voix masculines en colère et de clameurs qui s’entremêlent avec le Miserere Mei, Deus d’Allegri. Sa danse très expressive essentiellement basée sur l’intériorité de ce qu’elle désire narrer, passe d’une idée à l’autre, entre violence et sérénité, sans jamais être démonstrative. Elle fait transpirer les problèmes de société et politiques entre corps souffrant et béatitude. L’an dernier, le festival Instances de Chalon-sur-Saône avait programmé un focus sur l’Irlande et la découverte de ces chorégraphes pourtant si proches de la France et pour autant inconnus, avait été une véritable révélation. Oona Doherty prouve à quel point il est urgent de s’intéresser très sérieusement à tous ces artistes.

Quelques minutes plus tard, Arthur Perole présentait une pièce très pure sur les préludes de Wagner : Stimmlos. Trois femmes et deux hommes dans un entrelacs de mouvements très liés jouent d’un jeu de lumière fort bien élaboré afin de mettre en exergue un bras, un visage, une main… Entre ombre et noir, ils dessinent une œuvre étrange et envoutante très lente mais pour autant très attractive tant l’esthétique prime et laisse planer la poésie des Fleurs du Mal dont s’est inspiré le chorégraphe. Cette forme courte est un bijou.

Place aux choses qui fâchent avec Jaguar de Marlene Monteiro Freitas et Andreas Merk. Vêtus comme des joueurs de tennis, les deux interprètes racontent soi disant une scène de chasse. Sauf qu’il ne s’agit que de mimiques, de grimaces, de sautillements, de corps balbutiants, de gestes saccadés et autres idées qui sont à la limite de la vulgarité et surtout, incompréhensibles, dont le découpage de l’immense cheval en polystyrène. Une heure quarante-cinq de prise d’otage du public pour ne rien dire, répéter et encore répéter les mêmes jeux avec leurs serviettes de bain, et ce, sur un patchwork de musiques qui n’apporte rien de positif tant on se demande pourquoi de tels choix.

Samedi à la Briqueterie, le chorégraphe grec Christos Papadopoulos présentait sa dernière création, Elvedon. Six danseurs sautillent de droite à gauche pour former ensuite des figures de plus en plus rapides…. C’est effectivement assez bien fait, bien que trop propre, mais surtout, Jan Martens a traité exactement le même style de chorégraphie en 2014 dans son excellente et époustouflante pièce, The Dog days are over. Les italiens Francesca Foscarini et Andrea Costanzo Martini, signent avec Vocazione all’Asimmetria, une pièce basée sur la relation d’un duo face aux autres. Ils demandent aux spectateurs de fermer les yeux lorsqu’ils disent le mot black, et de les ouvrir au mot white. Du noir au blanc, ils changent de place, se regardent différemment et finissent par se croiser et se rencontrer dans un rapport d’intimité dansé. Grâce à leur indéniable belle présence, les deux interprètes arrivent à captiver l'attention et surtout  à s'interroger sur la comunication entre deux êtres.

Enfin, éclats de rire et pur bonheur avec le circassien espagnol, Joan Català et sa pièce, Pelat présentée sur le parvis. Il arrive avec un mas de cocagne porté en équilibre sur l’épaule. Le public installé autour doit reculer pour éviter tout choc. Sourires. Puis s’ensuivent des séquences muettes où Joan fait participer quelques spectateurs pour ériger ce mas et le soutenir avec des cordes maintenues par quatre personnes choisies au hasard. Etant donné que la puissance des uns et des autres n’est pas la même, donc, que le mas n’est pas droit, il rajoute du monde qui doit s’accrocher aux détenteurs des cordes. Petits et grands rient de bon cœur parce que l’artiste possède un tel talent pour expliquer par de simples gestes ce qu’il attend de chacun, que la situation en devient loufoque. Une fois le mas bien calé, il y monte en haut et s’y retrouve en équilibre. Applaudissements nourris, joie d’assister à une performance qui mélange poésie, tradition, travail collectif et haute voltige.

A noter que trois spectacles furent choisis parmi la programmation d’Aerowaves, réseau européen composé de quarante prescripteurs de la danse disséminés partout en Europe. Outre ces représentations, étaient organisées : une réunion des directeurs des CDC et une rencontre autour de la prochaine triennale de Ouagadougou, dont plusieurs pièces seront au programme de la Biennale de la danse du Val-de-Marne.

Pour Daniel Favier, la primeur de son travail se situe dans les énergies qui se tressent, le tissage qu’il a réussi à instaurer avec plusieurs projets, les résidences croisées avec le Japon, le Canada et l’Australie et Dancing Museums, qui explore de nouvelles méthodes d’interaction avec le public. « Les Plateaux donnent une large visibilité de la danse et sont une certaine forme de tremplin pour de très jeunes chorégraphes qui peuvent ici rencontrer des professionnels, avoir un regard du public et partager leurs passions ».

Sophie Lesort

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