Biennale du Val de Marne : « Solonely », acrobatie chorégraphique et musicale
Solonely de la compagnie Arcosm combine théâtre corporel et musical, danse et acrobatie. Un duo masculin burlesque sur fond tragique.
Thomas Guerry et Camille Rocailleux ont créé la compagnie Arcosm, et avec elle une forme de spectacle total qui combine art corporel, musical et plastique. Tout se combine de manière d’autant plus complexe que les moyens technologiques sont tout à fait classiques, et qu’un soupçon de film muet sous-tend cette mise à jour de l’univers de Kafka. Rocailleux, compositeur et musicien, joue un pianiste (mais il joue du piano pour de vrai) qui rêve de bravos et de gloire. Le mur de son habitation se transforme en batterie pendant que son voisin revit un accident de voiture tragique.
Quand la condition humaine des temps modernes éclate au grand jour, le spectacle atteint quelques vérités profondes. A ce stade, l’action bascule d’un côté à l’autre, rythmée autant par l’engagement physique de chacun que par les événements. La scénographie agit en catalyseur, justement par ce qu’elle empêche la libre circulation. Solonely est une pièce schizophrène, scindée en deux comme le plateau lui-même, grâce à un énorme mur posé au centre.
De chaque côté, un homme vit dans son appartement, seul avec ses rêves ou cauchemars. Solitude face à un rêve inaccessible, solitude suite à la perte de l’être aimé. En même temps, la symétrie scénographique suggère qu’il pourrait s’agir de deux hémisphères d’une même personnalité, d’autant plus que les deux espaces communiquent de façon absurde, à travers les sons et grâce à une table mobile qui traverse le mur tel un trait d’union.
Ce décor volumineux, d’une présence énorme, va devenir le troisième acteur. Quelques acrobaties musicales plus tard, le mur s’effondre, et avec lui les carapaces que les deux hommes s’étaient construits. C’est l’heure de vérité. Ils ne seront plus jamais seuls, mais cela n’arrange rien. La scénographie est aux commandes, les humains perdent pied, sous un soupçon de délire.
Et plus les planches, filins, suspensions, rebonds sur trampoline ou déséquilibres sur bascule s’emparent des deux anti-héros, plus le spectacle perd son souffle. C’est paradoxal, mais la schizophrénie pourrait bien être au cœur de ce chassé-croisé d’amour-haine vis-à-vis de soi-même.
Thomas Hahn
Le 27 mars, Charenton, Théâtre de deux rives
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