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« En classe » de Julie Nioche

Vingt-sept jeunes élèves de CE1 de l’école Voltaire d’Asnières entrent dans une classe où, sur les petits bureaux, sont posés des casques Hifi sans fils. Une fois cet objet installé sur leurs oreilles, les voilà isolés du monde et prêts à devenir les protagonistes d’une œuvre qu’ils vont fabriquer.

Tous ensembles, ils entendent la voix enregistrée de Julie Nioche leur expliquer avec douceur l’enjeu de cette expérience. « Tu vas être le créateur et l’acteur. Nous allons créer un monde où tu vas faire plein de choses que tu ne fais pas d’habitude. » Puis, ils reçoivent la consigne de lever le doigt. Ils s’accomplissent tous. Puis de lever ce doigt autrement, puis l’autre main et les deux mains pour enfin arriver à faire danser leurs bras. Les enfants se détendent et sous le regard de la chorégraphe et de leur institutrice, commencent à prendre confiance en eux puisque certains exécutent de bien jolis mouvements très inventifs.

Et sans comprendre, nous voyons les bambins se diviser très calmement en trois groupes. L’un se rend au tableau, un autre vers la fenêtre où lui est distribué une petite longue vue et le dernier demeure au centre de la classe. En fait, les casques sont dotés de trois canaux et tout était bien entendu préparé à l’avance. Il suffit de cliquer sur un bouton et il nous est dorénavant possible de comprendre ce que chaque équipe doit effectuer.

 

Au tableau, ils suivent du doigt un long scotch jaune posé en zigzag, puis s’en amusent et s’en inspirent pour mouvoir leur corps tout en restant connecté avec leur base. Ceux de la fenêtre jouent de la longue vue, regardent partout, sautent, dansent, se plaquent au sol. Bien entendu, tout cela leur est conseillé par Julie dans le casque, mais le plus étonnant est que ces petites chorégraphies se déroulent dans un silence absolu. Enfin, ceux du milieu s’emparent de rouleaux de rubalise et doivent passer ce ruban sous le pied d’un bureau pour rejoindre un mat qui trône au centre de la classe. Il est évident que les groupes changent d’activité afin qu’ils puissent tous passer par chaque étape.

Dans un silence toujours impressionnant, les enfants obéissent aux consignes, mais surtout ils se lâchent, s’amusent et comprennent que ce jeu est pour eux, sans brimer l’un ou l’autre, mais ensemble, en groupe. Du rubalise déroulé par les vingt-sept élèves se déploie une sorte d’immense tipi. C’est magnifique et ils n’en croient pas leurs yeux. La séance se termine calmement et Julie leur demande à quoi ressemble leur construction. Les réponses sont variées : une tente, un château, un parc, une pyramide, une cabane et même « A ma chambre » dit l’une des enfants.

On songe aussi à la ronde autour de l’arbre de mai qui célèbre le printemps en dansant autour d’un mât avec des rubans et puis aussi à un arbre de vie qui, parmi toutes ses significations, représente la création et la force de la vie.

Nous quittons les enfants alors qu’ils sont extrêmement sages et le sourire aux lèvres  ce qui étonne essentiellement leur institutrice qui, en participant à cet exercice, a posé un nouveau regard sur ses élèves.

Il y a infiniment de magie, de poésie et d’émotion dans ce spectacle spécialement conçu pour les classes de CE1 à la 6ème  qui est intégré dans la programmation du Théâtre de Gennevilliers.

Julie Nioche raconte que ce projet a vu le jour en janvier 2014 après une commande d’Eliane Dheygere  directrice du VIVAT (Armentières). « Je ne suis pas motivée par la notion de spectacle sur scène avec trois cents enfants dans la salle » explique la chorégraphe. « Mais mettre l’art au centre de leur quotidien, profiter de cette opportunité pour voir comment la danse peut s’infiltrer dans leur lieu, donc dans leur classe, c’est un gros challenge. Les enfants rentrent dans le projet sans aucune résistance, ils sont curieux, ouverts, ils inventent et créent du mouvement. »

 Après avoir été présente dans plus de cinquante écoles à raison d’au moins deux représentations par établissement, Julie n’a jamais rencontré la moindre résistance de la part des élèves. « Le casque c’est parler à chacun et non un isolement. Le ton et la façon dont on s’adresse à eux ont été très étudiés tout comme le rythme et le choix des mots. Il y a une marge de valeur qui m’intéresse, une interprétation possible de la consigne, c'est-à-dire : collaboration, plaisir, rigolade, attention, décontraction, rêverie, mais jamais destruction. Alors, voir les enfants totalement concentrés sur eux même, sur leurs gestes et dans le plaisir de se mettre en mouvement, ça me réjouit. Ils comprennent qu’ils ont le pouvoir d’agir avec leurs corps et découvrent un espace de liberté et c’est ça la danse, c’est indispensable pour la vie. »

Sophie Lesort

En Classe, un projet initié par Julie Nioche, chorégraphe et danseuse, créé en collaboration avec : Laure Delamotte-Legrand, plasticienne ; Margot Dorléans, danseuse et chorégraphe ; Bérénice Legrand, danseuse et chorégraphe ; Gabrielle Mallet, kinésithérapeute-ostéopathe ; Alexandre Meyer, musicien ; Christian Le Moulinier, régisseur général

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