Wilfride Piollet, une grande dame nous a quittés
Nous venons d’apprendre avec une immense tristesse que la danseuse étoile et pédagogue Wilfride Piollet est décédée le 20 janvier dans l’après-midi.
Née un 28 avril 1943 à Saint-Albon, dans la Drôme, elle avait commencé sa carrière en prenant des cours de la méthode Popard pendant neuf ans et demi. C’est grâce à ces débuts qu’elle ne perdra jamais de vue que la joie de danser « est une rêverie du corps basée sur la musique » et qu’elle assimilera toute petite la notion d’improvisation.
Elle entre néanmoins à 11 ans à l’École de danse de l’Opéra de Paris et sera engagée dans la compagnie cinq ans plus tard. Elle a pour professeur principaux sans doute les plus grands maîtres de son temps :Lioubov Egorova « ses adages poétiques et ses enchaînements complexes », Victor Gsovsky « sa lumineuse façon de créer un pas et de la farie travailler sur des rythmes différents », Denise Bazet « Sa joyeuse créativité dans les rapports danse musique » Marguerite Guillaumin « sa conscience du chemin entre deux positions, coneption fondamentale de la danse », Gérard Mulys « son exigence envers la clarté d’une atterie ou le synchronisme bras et jambes », Serge Peretti « son dynamisme éclatant et communicatif », Madame Volkova « son enthousiasme et l’intelligence qui animaient ses classes », Liliane Arlen « sa profonde connaissance des forces insoupçonnées du corps et de l’esprit » Sacha Kalioujny « si humble et si riche dans l’invention chorégraphique de son cours » Yves Brieux « son œil présent, son pouvoir de rendre notre danse aisée et théâtrale, sa douce affection ».
Mais elle a aussi comme professeur de mime le célèbre Georges Wague (professeur également de Colette, avec lequel elle créa le spectacle La Chair), et prend des cours de piano à l’école Marguerite Long.
C’est d’ailleurs au cours de Marguerite Guillaumin que Wilfride rencontre son futur mari, Jean Guizerix. Ils vivront, danseront et créeront à deux, toute leur vie.
À l’Opéra, Wilfride est remarquée par Maurice Béjart qui lui donne le rôle-titre de Noces, en 1965. Elle est ensuite nommée Première danseuse en 1966 et danseuse Étoile en 1969 dans Études, d’Harald Lander. Entretemps, elle aura créé Adages et Variations de Roland Petit en 1965, Zyklus de Michel Descombey avec l’Opéra-Studio en 1966, et dansé Daphnis et Chloé de Skibine ou Turangalîla de Roland Petit et les Quatre tempéraments de Balanchine, en plus des rôles classiques de l’époque : Suite en blanc, Giselle, Grand Pas classique…
Dès ses débuts, sa curiosité, sa liberté d’esprit l’amènent à emprunter des chemins de traverse, à s’intéresser en profondeur à tous les styles de danse. Très vite, elle travaillera avec les chorégraphes contemporains du tout début des années 1970: Félix Blaska, Norbert Schmuki, Michel Caserta, Jean Babilée, Jacques Garnier et bien sûr, Jean Guizerix ! Elle réfléchira d’ailleurs (avec Jean Guizerix) à suivre Brigitte Lefèvre et Jacques Garnier quand ils partiront de l’Opéra pour créer le Théâtre du Silence à La Rochelle.
Il est presque impossible de citer tous les rôles qu’a incarnés Wilfride Piollet, de Giselle à La Sylphide, d’Anastasia d’Ivan le Terrible de Grigorovtich à Manfred de Noureev, de La Pavane du Maure de José Limon à Auréole de Paul Taylor… Et un nombre de chorégraphies de Balanchine impressionnant. Personnellement, je n’oublierai jamais son apparition dans Tzigane (Balanchine, Ravel) où son corps « était » la ligne sinueuse du violon, sa façon d’interpréter En Sol (Robbins, Ravel), ni sa Sylphide… en ce qui concerne sa carrière à l’Opéra de Paris… Et une splendide interprétation de Webern Opus V de Béjart
Car à partir des années 1980, ce sont tous les jeunes chorégraphes de cette nouvelle vague chorégraphique qui vont également avoir ses faveurs. Notamment Andy DeGroat Giselle échappée (1980), et Nouvelle Lune c-à-d (1983), Dominique Bagouet (Les Voyageurs, 1981), Lucinda Childs (Mad Rush, 1981), Douglas Dunn (Pulcinella, avec l’Opéra de Paris, 1980). Qu’elle rencontrera, pour certains, en dansant avec le GRCOP (Groupe de recherches de l’Opéra de Paris) dirigé par Jacques Garnier (de 1981 à 1989).
Elle quitte l’Opéra en 1983 tout en poursuivant son parcours personnel.
Comme elle fut l’une des premières danseuses Étoile à se confronter à la danse contemporaine, elle sera aussi l’une des premières à se passionner pour la danse baroque, notamment avec Francine Lancelot. Elle créera pour elle Rameau l’enchanteur (1983), Quelques pas graves de Baptiste (1985) et bien sûr Atys (1987).
En 1987 elle collaborera aussi à la création d’Eléphant et les faons de Daniel Larrieu, ou à celle de L’Étrange épicier pisciacais de Lila Green. Et nombre de duos créés avec Jean Guizerix dans le cadre de leur compagnie Piollet-Guizerix fondée en 1986. Ils travailleront la plupart du temps dans le studio attenant à leur maison à Poissy. De 1990 à 2000, une collaboration régulière s’installe avec Jean-Christophe Paré.
Sa passion pour la recherche sur l’organicité des pas dans la tradition comme dans l’innovation, la mène à relire l’histoire de la danse qu’il s’agisse de danses de la Renaissance (Le Mariage de la grosse Cathos Bayle, Philidor, 1995), ou des pionnières de la danse moderne (Sur la trace d’Isadora Duncan, 2002, Two Extatic Themes, Doris Humphrey). Son dernier spectacle sur scène sera Tango d’Andy DeGroat, avec Jean Guizerix en 2009 pour les 30e Hivernales d’Avignon. Pour la même raison, elle développera à partir des années 1980 une technique novatrice en matière de compréhension du mouvement. Étroitement liée à la mémoire du corps et à l’imaginaire mis en jeu, elle repense entièrement l’entraînement du danseur dans une pratique dénuée de toute esthétique particulière et nourrie de nombreuses notions kinésiologiques. De 1989 à 2008, elle transmet cette technique au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et lors de stages en France et à l’Etranger. Pour sa recherche, elle est invitée par plusieurs Universités françaises et étrangères (La Rochelle, Clermont-Ferrand, Montréal, Osaka, Tokyo…).
Par ailleurs, elle mènera une carrière de chorégraphe dès 1977 parmi lesquelles Le Prince de Bois, Huit danses hongroises, Renard, Lettera Amorosa, Dam’Oisel, Momerie, Le Cygne (de Saint-Saens) pour Pedro Pauwels, L’amour médecin et Le Sicilien ou l’Amour peintre pour J. M. Villégier.
En 2003 elle dissout la compagnie et crée l’association Clef de Sole, particulièrement dévolue à la diffusion de la méthode des barres flexibles et à son travail de recherche mené depuis 1988 avec Jean Guizerix sur les pas de danse du XIXe siècle.
Sa philosophie de la danse et ses recherches ont donné lieu à la publication de plusieurs ouvrages :
· 1986 : Parallèle, par Wilfride Piollet et Jean Guizerix - Alain Bordas. Livre témoignant de leur vie d’interprète
· 1999 : Rendez-vous sur tes Barres Flexibles et Barres Flexibles, par Wilfride Piollet – Éditions de l’Oiseau de Feu 1999. Cet ouvrage consacré aux possibilités de lecture du mouvement d’une part, et aux exercices issus de sa méthode d’entraînement d’autre part est réédité aux Editions Sens et Tonka en 2005 et aux Editions L’Une et l’Autre en 2008.
Les Gestes de Lilou, série pour les enfants et leurs parents, par Wilfride Piollet, est diffusé sur le site http://www.lesbarresflexibles.net et disponible en livrets.
Agnès Izrine
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Comments
Victoria Crosnier says: 22 janvier 2015 à 1 h 23 min (Modifier)
Une triste nouvelle et tous mes condoléances à Jean (Guizerix) et des bons souvenirs côté costumes à L’Opéra de Paris,Palais Garnier.
je t’embrasse Jean,
Victoria Crosnier
LISE DELAPLACE says: 22 janvier 2015 à 13 h 36 min
Toutes mes condoléances à Jean Guizerix.
Lise Delaplace, (Fondatrice de l’Ecole de Danse Classique d’Aix)
Catherine Wagner says: 22 janvier 2015 à 17 h 41 min
C’est une très triste nouvelle… Wilfride s’élève et restera la plus brillante des étoiles.
Je suis de tout coeur avec toi, Jean.
Catherine Wagner
(Aubergenville)
pascale23 says: 22 janvier 2015 à 17 h 50 min
Une telle tristesse !
Azzopardi says: 23 janvier 2015 à 14 h 24 min
Dans mon enfance, « petit rat à l’opéra Garnier » elle était une grande figure exemplaire, d’ouverture vers le présent, vers le futur » LA DANSE » une danseuse d’exception
Patrick Azzopardi
Taffanel says: 23 janvier 2015 à 19 h 35 min
mes pensées vers Jean.jackie
heillouis claude says: 24 janvier 2015 à 19 h 19 min
Quelle tristesse…Les souvenirs d’ enfance rambertrois remontent….Mille pensées à toute la famille…Jacqueline CARRIER-HEILLOUIS , sa famille et sa MAMAN
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