« OH » de Biño Sauitzvy et Nando Messias
OH ! Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas ici d’une exclamation mais d’une référence aux fondateurs du butô, à savoir Kazuo Ohno et Tatsumi Hijikata. Le point de départ de cette pièce est donc une photo où Hijikata danse avec Ohno, déguisé en femme. Dans cette image sont rassemblés les fondamentaux du butô à la fois rituel et sacrificiel qui allie la mort, l’érotisme, le travestissement et l’androgynie.
Ici, il s’agit plutôt d’une traversée du monde homosexuel de ces dernières années, vu par les artistes brésiliens et pluridisciplinaires que sont Biño Sauitzvy et Nando Messias. Ils posent la question d’une société qui peine à accepter les différences, mais plus encore, la question du paria au sein même d’une minorité donnée. Il y a des images fortes, celle du sang qui coule de leurs bouches, des mots forts comme cette phrase sur les rencontres dans les “bains” où chacun est jaugé “en fonction de ses muscles, de la taille de ses attributs et de la rondeur de ses fesses”, des gestes forts comme ce baiser dans l’ombre ou ces portés aériens mais horizontaux.
Galerie photo : Le Générateur
La présence intermittente de Magali Gaudou apporte une sorte de présence alternative dans ce duo masculin, une sorte de féminin inversé que sous-tend une sorte de violence silencieuse qui véhicule un genre plutôt sulfureux.
Il y a une sorte de déréliction ou de déchéance qui plane tout au long de ce spectacle, très proche de cette « dark dance » qu’est le butô. Par sa faculté à aborder des thèmes tels que la souffrance et l’avilissement, par sa puissance érotique, qui appartennait à la contre-culture japonaise, tout comme le « Movimento Antropofagico » est celui de la contre-culture brésilienne.
Galerie photo : Le Générateur
De postures en poses, de tableaux en scènes, OH ! soutient le fond de son propos mais manque parfois de travail sur la forme, notamment sur la dramaturgie qui reste un peu linéaire. Du coup, la force que pourrait avoir cette pièce s’en trouve quelque peu atténuée. Mais les ingrédients y sont, reste à faire prendre la sauce !
Agnès Izrine
Le 21 janvier au Générateur, Gentilly, dans le cadre du Festival Faits d’Hiver
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