"Univers Light Oblique" de Georges Appaix
Dans cet "Univers Light Oblique", toutes les phrases ne sont pas chorégraphiques. Le verbe et la grammaire sont mis à contribution, comme ici: "Avant d'écrire on ne sait rien de ce qu'on va écrire." En effet... A certains moments on pourrait croire que Georges Appaix fait des clins d'œil à ceux qui dédient leurs vies aux mots…
Mais l'idée de départ va directement à la source : Évoquer, chorégraphier, poétiser l'écriture, son avènement, son apprentissage (à l'école), sa beauté. Expliquer aux plus jeunes et rappeler à leurs parents que l'humanité a passé plus de temps sans machines à écrire qu'en se penchant sur des claviers.
Appaix en personne est par ailleurs un vrai régal quand il campe une sorte de clown des cavernes, sur fond de dessins de Lascaux. Dessiner ou écrire, n'est-ce pas en soi une sorte de micro-danse ? Il nous dit même: "On ne peut écrire sans la force (sic!) du corps."
Ils écrivent sur le plateau, avec la force et l’habileté de leurs corps, en effet. Mais pas seulement. En manipulant des cubes de tous lettres, ils chorégraphient des mots en devenir, des mots à deviner. "Sous les ratures, il y a des mots". La rature témoigne d’une densité, d’un débat, d’une recherche. D’un processus… La rature est sale. Sur le plateau, tout est propre.
La rature évoque une densité et un désordre créatif qui ne se produit pas, ou trop rarement au cours du spectacle. Une des raisons est qu’Appaix se prive d'une contribution plus ardue d'une moitié de l'humanité, qu'il nous suggère que l'invention de l'écriture était un fait masculin, avec les femmes comme spectatrices. Dans toute la première partie, les trois danseuses restent silencieuses, face aux hommes qui s'expriment par tous les moyens.
Au lieu de se remplir de ratures, la page reste blanche, trop blanche. Malgré quelques tableaux plus captivants, tel le défilé de mode en costumes de papier qui termine le spectacle, ça donne un univers trop "light", ou pas assez oblique, un voyage qui manque de tentatives, de ratages ou de ravages, voire d'enfants dans la salle.
Qu'est-ce donc, un spectacle "pour tous publics" ? Le crée-t-on par un tel essai chorégraphique (dans le sens littéraire du terme), à moitié didactique, timidement philosophique, indirectement ludique ? Plus de matière, plus de rythme, et par ricochet, plus de monde dans la salle, voilà qui permettrait de transformer en fête partagée cet univers où les étoiles sont par trop éparses.
Thomas Hahn
Univers Light Oblique
Tout public, à partir de 8 ans
Chorégraphie & mise en scène : Georges Appaix
Lumières : Pierre Jacot-Descombes
Images : Renaud Vercey
Son : Olivier Renouf
avec
Georges Appaix, Séverine Bauvais, François Bouteau, Sylvain Cassou, Pascale Cherblanc, Sonia Darbois
Théâtre des Abbesses, jusqu’au 11 octobre
15h et 20h30
http://www.theatredelaville-paris.com/spectacle-georgesappaixuniverslightoblique-785
Catégories:
Add new comment