Festival Plein Phare IN #4 : la vitalité de la danse en ligne de mire

Sous la direction de Fouad Boussouf, le festival Plein Phare IN revient avec une programmation foisonnante, où se croisent esthétiques urbaines, écritures contemporaines, formes participatives et récits intimes.

« Comment les chorégraphes s’emparent du corps pour créer leur propre vocabulaire ? En plus du désir de montrer des styles aussi divers que possible, on a évidemment un vrai souci de parité, qu’on est fier·ères de respecter chaque année » nous dit Fouad Boussouf, qui affirme dans cette quatrième édition du festival Plein Phare IN la vitalité de l’art chorégraphique. Douze spectacles, des rencontres, des ateliers et des projets amateurs composent cette édition pensée comme un manifeste pour une danse vivante, accessible et profondément ancrée dans le monde.

Parmi les temps forts, NÄSS et OÜM de Fouad Boussouf incarnent deux facettes de son écriture chorégraphique. NÄSS, inspiré du groupe marocain Nass El Ghiwane, réunit sept interprètes masculins dans une danse collective, percussive et sensuelle, traversée par les singularités de chacun. OÜM, hommage à la chanteuse égyptienne Oum Kalthoum, célèbre l’amour dans tous ses états, entre vers d’Omar Khayyam, rythmes traditionnels et pulsations contemporaines. Ces deux pièces, traversées par les héritages méditerranéens, dialoguent subtilement avec In Comune d’Ambra Senatore, qui explore le vivre-ensemble à travers une micro-population de douze interprètes. Sur des adaptations de Mozart, Beethoven et Schubert, la chorégraphe italienne tisse une partition joyeuse et absurde, où les gestes du quotidien deviennent motifs chorégraphiques.

La question du collectif et de l’identité se prolonge dans Intranquilles de Charlotte Rousseau, deuxième volet du projet « Identités remarquables ». Dans une atmosphère électro et énigmatique, cinq interprètes évoluent en tension, entre écoute et sursaut, portés par une musique jouée en live. La pièce interroge les liens invisibles qui unissent les corps, et la manière dont chacun peut exister pleinement tout en restant poreux à l’autre.

À cette dynamique répond, en contrepoint, Undirectional de Jeanne Lakits. Présenté au MuMa, ce solo en constante mutation s’inscrit dans une recherche radicalement introspective. Nourrie par la physique quantique et son propre parcours entre danse et sciences, Lakits interroge la notion même de direction, de position, de matière. Comment être partout à la fois ? Comment effacer les repères pour laisser advenir un « corps des possibles » ? Entre art visuel et performance, Undirectional déploie une présence flottante, presque désincarnée, qui prolonge à sa manière la réflexion sur l’identité, mais dans un espace de solitude radicale.

Avec °UP, Fouad Boussouf orchestre une rencontre inattendue entre football freestyle et musique contemporaine. Le ballon de Paul Molina et le violon de Gabriel Majou deviennent les instruments d’un duo chorégraphique plein de grâce et d’humour, où le cuir rebondit au rythme des pizzicati et où le reggaeton s’invite comme basse continue. Une pièce ludique et virtuose, qui élargit les frontières du geste dansé.

La scène émergente est portée par Jade Lada, artiste associée du Phare, qui présente deux créations : Potomitan, trio féminin inspiré des figures de femmes piliers dans les cultures antillaises et sénégalaises, et Un(visible)#2, réflexion sur la place de l’individu dans le groupe, revisitée pour les Rendez-vous d’Arthur. Taya Skorokhodova signe Jeux de corps, une pièce ludique et colorée pour le très jeune public, où deux danseuses inventent un dialogue chorégraphique à partir de leurs cultures d’origine.

Anne Nguyen, figure du hip hop contemporain, propose Matière(s) Première(s), ballet virtuose autour des danses africaines urbaines, rarement vues sur les plateaux institutionnels. David Rolland invite le public à une Happy Manif, déambulation chorégraphique guidée par casque audio, où chacun devient acteur d’une performance collective. La compagnie Pyramid, avec Macéra, mêle hip hop, mime et burlesque dans un voyage poétique vers Istanbul, tandis que Laura Defretin et Brandon Masele, de la compagnie MazelFreten, révélés lors des JO de Paris, présentent Memento, cocktail électro-hip hop porté par six interprètes internationaux. Enfin, Margot Dorléans clôt le festival avec Horizon, sieste chorégraphique participative pour enfants et adultes, conçue comme une traversée sensorielle entre forêt, eau et ciel.

Autour des spectacles, le festival propose des rencontres avec les artistes, des ateliers pour tous les âges, et des projets amateurs comme le Ballet Éphémère ou le Cercle de femmes dirigé par Jade Lada. Le public est invité à danser, à réfléchir, à s’émouvoir – et surtout à participer.
Plein Phare IN affirme une vision généreuse de la danse : un art du lien, du mouvement et de la transformation.

Agnès Izrine
Festival Plein Phare IN #4 – Le Havre, du 18 novembre au 2 décembre 2025