Festival Kalypso : Soirée Nouvelle Scène au 13e Art
La Soirée Nouvelle Scène révèle une nouvelle génération de chorégraphes primés lors de compétitions internationales.
Sauf à être tout à fait passionné et particulièrement connaisseur quant au sujet, il faut reconnaître qu'une programmation de Wild, Sjel, D-Dal et Biscuit le mardi 14 novembre au 13e Art, Théâtre de la place d’Italie à Paris, présente une certaine obscurité qui n'incite pas forcément à se déplacer, en ces temps de défiance du public à affronter les rigueurs d'un automne froid et pluvieux.
Pas forcément, donc, sauf à quelques explications. D'abord, il s'agit de Kalypso, soit le festival que dirige depuis 2013 Mourad Merzouki et qui, en dix ans s'est imposé, passant de 3 à 26 villes et de 12550 à plus de 50000 spectateurs… Et à ceci convient-il d'ajouter le festival-frère Karavel qui lui existe depuis 2007. En quittant le CCN de Créteil après 13 ans de mandat, Mourad Merzouki a obtenu de partir avec un petit souvenir : son festival dont il est en passe de faire l'un des rendez-vous majeurs de la danse européenne. Quand une telle machine suggère de venir y découvrir « le regard novateur et vivifiant d’une nouvelle génération de chorégraphes » comme il est écrit sur le site, il y a matière à intérêt, forcément !
Reste que Wild, Sjel, D-Dal et Biscuit… La confiance est une chose, mais il fait vraiment un sale temps en novembre dans le treizième arrondissement et il convient d'avoir quelques informations complémentaires pour aider à la décision parce que, sans déprécier qui que ce soit, les noms des compagnies ne vont pas suffire à convaincre les réticents pour cause de bourrasques automnales.
Alors Biscuit s'appelle Aurélien Collewet, autant musicien que danseur, qui a créé son premier solo, Nodes, en 2020 et un premier EP titré Untie et qui avec un trio baptisé Diapason veut réunir les deux pôles de son talent. La pièce va donc demander aux danseurs (on y relève la présence de l'irremplaçable François Lamargot), de produire par leur gestuelle la musique via capteur et logiciel. Intrigant, forcément…
S'appuyant très fortement sur la musique du compositeur Marc Debard, le chorégraphe Sofiane Tiet de la compagnie Sjel propose avec Echo, sa première pièce de groupe où chacun des six interprètes est à la fois singularisé et articulé aux autres en fonction de leur tonalité propre. Mais surtout, le chorégraphe a un parcours étonnant. De 2009 à 2011 il danse pour Hiroaki Umeda puis dans la compagnie de Mourad Merzouki. Sa réalisation la plus récente, avec le cinéaste Brahim Yaqoub, un duo titré Millimètre, a été filmé dans la salle des mariages de la mairie de Nantes. Gros succès sur le Net qui donne envie de savoir ce que cela donne en vrai avec un public véritable, forcément.
Dinosaure, comme son nom l'indique, parle des « terribles lézards », mais revus par la compagnie D-Dal pour un genre singulier de conférence dansée à quatre. Cette compagnie a été créée par Santiago Codon Gras, argentin passé par l’Espagne avant d'arriver en 2003 à Marseille. Il a alors 15 ans et découvre la danse hip-hop puis la danse contemporaine et la danse classique en tant qu’amateur au sein de l’association Ascendanse encadrée par les danseurs du Ballet des Jeunes d’Europe de Jean-Charles Gil. Après avoir collaboré avec plusieurs compagnies, il s'installe à Paris en 2015, danse pour Anne Nguyen, est soutenu par le collectif Faire/CCN de Rennes et est coaché par Céline Gallet et Marion Poupinet et leur Garde-Robe. C'est une référence, forcément.
Enfin, A-D de la compagnie Wild traite de l'addiction. Wild c'est la compagnie de Khaled Idriss Abdulahi dit Cerizz qu'assiste Lola Mino. Lui vient de l'électro via Blanca Li, puis participe du collectif KLN avant, en 2022, de lancer sa compagnie, Wild, après une collaboration avec le réalisateur Marvin Hanouka pour une trilogie de court métrage appelée « Wild Life ». Elle, vient de l' École Supérieure de Danse de Cannes - Rosella Hightower via les Pays-Bas et la Rotterdam Dance Academy / Codarts… On appréciera l'éclectisme et la composition soignée de la pièce en témoigne.
Mais, forcément la question se pose de savoir comment cette sélection a pu s'opérer. Et l'on constate, que chacun des quatre participants à fait ses preuves dans les concours qui fleurissent autour de l'univers hip-hop. Celui-ci, par héritage des battles, n'a pas de ces timidités concernant les concours et les compagnies s'y prêtent volontiers. Ainsi, Wild, finaliste du Sobanova Dance Awards 2023 est aussi lauréat du concours Dialogues pôle en scène 2023 (prix du jury et du public). Sofiane Tiet est lauréat des Sobanova Dance awards #7. Santiago Codon Gras et la compagnie D-dal ont remporté le Prix Trajectoires – le concours organisé depuis 8 ans par Souhail Marchiche et Mehdi Meghari, les directeurs artistiques de la Compagnie Dyptik – avec leur Dinosaure. Enfin Diapason d'Aurélien Collewet a remporté en 2022, le Hip Hop Games France et Finale Internationale. Ce concours créé il y a dix ans par Romuald Brizolier et à la croisée des univers du battle et du concours d’expérimentation. Ces manifestations ont aussi en commun de bénéficier du mécénat de la Caisse des Dépôts, très présent autant que discret sur ce terrain. On remarquera aussi que toutes ces manifestations, et les lauréats qui vont avec, ont été couvées d'un œil bienveillant par un certain Mourad Merzouki. Forcément, cela peut inciter à braver la pluie.
Philippe Verrièle
Soirée Nouvelles Scène : 14 novembre à 20h30 au 13eArt, Théâtre de la place d'Italie
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