Raphaëlle Boitel : J’ai rêvé « Ombres Portées » comme un spectacle total
La nouvelle production de la circassienne est à l’affiche au Théâtre National de Nice, les 19 et 20 janvier.
Une pièce circassienne peut commencer par là : « Trois sœurs, un frère adoptif, un époux, le père. J’ai choisi d’inscrire l’histoire au cœur de la famille », dit Raphaëlle Boitel. « Avec ce projet, j’ai voulu sonder la question du non-dit. » Mais Ombres portées– titre faisant allusion aux secrets familiaux et leur poids sur l’inconscient – dépasse le cirque. « Les interprètes, tous issus du cirque, sont à la fois acteurs, danseurs et acrobates. »
Au Théâtre National de Nice, Ombres portées est programmée dans la salle nommée La Cuisine. S’il fallait qu’on y voie un symbole, celui-ci vise juste puisque Raphaëlle Boitel invente une cuisine bien particulière pour une pièce de cirque : « Dans un univers à la croisée du théâtre, de la danse, du cirque et du cinéma, il s’agit d’une plongée dans l’intime soulignant les dangers des mensonges faits à soi-même. »
Dans cette famille, on trouve le K de Kafka, ici décliné au féminin : « K, jeune femme pleine de force mais profondément écorchée, décide de parler à son père, pour pouvoir enfin avancer. Celui-ci ne voulant pas rompre le silence, elle devra impliquer la famille. Mais tout ne se passera pas comme elle l’avait prévu…» Et K n’est pas seule, elle est l’une de trois sœurs ! Aussi il y a du Tchekhov dans l’air, car autour d’elles gravitent un frère adoptif, un époux et le père. Du Tchekhov, sans le verbe. « En filigrane, par la voix cassée de K ou les caractères de chacun, les personnages incarnent tous différentes figures du silence et des manières de se voiler la face. »
Galerie photos © Christophe Raynaud de Lage
Aussi la constellation n’est pas simple, et potentiellement explosive. Le public a toutes les chances de s’y reconnaître : « La famille de K pourrait être la nôtre. Son parcours est celui de beaucoup de femmes. Notre rôle est de provoquer la parole. » Le cirque est cependant fait d’envols, et Ombres portées n’en renie pas la dimension aérienne qui ouvre vers le haut et des ailleurs prometteurs de délivrance. « Si je souhaite m’intéresser à nos faces cachées, c’est pour mieux révéler la beauté des êtres qui luttent pour exister », affirme Raphaëlle Boitel. « En portant un regard sur nos traumas, Ombres Portées met avant tout en lumière le courage. »
Le croisement des disciplines produit ici des ambiances particulièrement cinématographiques, et pour cause : « Des films tels que Requiem for a dream, Brazil, Festen, Parasites, ou les cinémas de David Lynch, Fritz Lang et Hitchcock ont inspiré la mise en scène, dans leur couleur ou le modèle de retournement final. L’espace scénographique, symbolisant les cloisonnements ou les murs à franchir, inspiré des dessins de Schuiten, des maîtres du clair-obscur ou du Bauhaus, est conçu à partir d’un principe de fusion totale entre le décor et la lumière. »
Théâtre National de Nice, les 19 et 20 janvier 2023, salle de La Cuisine
Dans le cadre de la BIAC
Mise en scène & chorégraphie Raphaëlle Boitel
Avec Alain Anglaret, Tia Balacey, Alba Faivre, Nicolas Lourdelle, Mohamed Rarhib, Vassiliki Rossillion
Collaboration artistique, lumière & scénographie :Tristan Baudoin
Musique originale : Arthur Bison
Soutien technique, machinerie & agrès : Nicolas Lourdelle
Construction & accessoires ; Anthony Nicolas
Décors construits par les ateliers de l’Opéra National de Bordeaux
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