Bud Blumenthal à la recherche de la « Perfectiøn »
Perfectiøn reste largement en-deçà des merveilles technologiques annoncées. Et pourquoi pas ? L’important, en spectacle, ce sont les idées. Et Bud Blumenthal en a plus qu’assez pour une heure de spectacle. Trop, peut-être.
Dès le départ, il nous confronte à sa volonté de réunir l’épopée de l’humanité en une seule image. Mais au lieu de la 3D il arrive avec une bougie ! En posant cet émetteur de lumière face à un détecteur de photons, tout en citant des statistiques scientifiques, cet homme des cavernes énumère « roche, terre, végétation, philosophie, arts… », comme pour nous ouvrir les yeux sur nous-mêmes et notre planète. Nous voilà embarqués pour un cours de sciences naturelles, une démonstration de captation de photons à partir d’une « foot candle », bougie concrète et unité de mesure à la fois. A partir de la table de démonstration, chaque impact est transformé en métronome électronique pour une création sonore numérique, réalisée en direct.
Galerie photo de Laurent Philippe
Ce début déconcerte, mais un spectacle-conférence peut en cacher un autre. Le début plutôt pédagogique lance une exploration des rapports entre la danse et la technologie. Au fil de sa carrière, Bud n’en a pas manqué une seule étape, mais ici il interloque. Comment peut-on, aujourd’hui encore, dans un espace aussi restreint, juxtaposer danse et projection au lieu de chercher la fusion des deux? En 2014, la démonstration d’étapes intermédiaires, intéressantes dans les années 1990, ne nous concerne plus.
Cet Américain qui était, il y a une quinzaine d’années, à la pointe de la recherche sur l’application du numérique dans le spectacle vivant, ne trouve-t-il donc rien de mieux que de danser, aujourd’hui encore, en posant devant un écran sur lequel défilent quelques images vidéo? Par ailleurs, sa danse n’hésite pas moins entre hier et avant-hier. Faut-il travailler à Bruxelles depuis tant d’années pour se complaire dans un cocktail de Balanchine et de ballet, avec une pointe de Cunningham? Une danse pareille peut-elle s’adresser à un public autre qu’américain ?
Galerie photo de Laurent Philippe
Dans un seul tableau, le corps entre vraiment en fusion avec le numérique. Et comme par hasard, Blumenthal, poursuivi d’ombres électroniques, y explore le rapport au sol (blanc). Mais nous sommes toujours loin du compte, si on considère qu’il voulait nous donner à voir une fusion entre le préhistorique et l’univers digital de demain. De nouveau, il chuchote: « …végétation, fleurs, roches… ». De nouveau, il se contente de projeter un film d’animation sur un écran de fond.
Galerie photo de Laurent Philippe
Le tableau le plus pertinent? Quand l’écran en forme de losange, véritable objet d’art plastique, s’élève dans les airs. Cerf-volant en origami, il devient un fantasme mythologique et esthétique, sans que la moindre image vidéo ne vienne se poser sur son relief. Dans ce beau dialogue, Blumenthal pourrait être un mimos grec, face à Hermès ou autre deus ex machina. Mais des deux, la créature ingénieuse tenue par un système de fils, offre infiniment plus de modulations que Blumenthal lui-même. « Perfectiøn » est un solo et le premier volet d’un diptyque. Le second sera interprété par plusieurs danseurs. En mieux se projetant dans l’avenir?
Thomas Hahn
« Perfectiøn » de Bud Blumenthal
Création mondiale au Théâtre national de Chaillot, du 11 au 14 février 2014
Le 27 et 28 mars à Bruxelles, Les Brigittines, festival « In Movement »
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