Cites danse connexion et Rencontres hip hop
Le festival Suresnes cités danse réunissait dans une même soirée deux événements : Cités danse connexions #2, qui traditionnellement, permet de découvrir les jeunes talents les plus prometteurs du hip hop, suivi de Rencontres hip hop, qui incite à la confrontation d'esthétiques différentes.
Cités danse connexion#2
S’extraire de la pesanteur et de la maladresse par la maîtrise du corps et du geste, c’est l’objet même de la danse en général et du hip-hop en particulier où la lutte contre la gravité et la performance physique sont l’alpha et l’oméga de chaque spectacle. Il n’empêche qu’avec P = mg, Jann Gallois nous entraîne dans une rêverie poétique sur l’impondérable avec une finesse toute féminine.
Jann Gallois, galerie photo de Laurent Philippe
« P = mg est la formule physique du poids, souligne la chorégraphe, force de pesanteur exercée par la Terre sur un corps massique en raison uniquement du voisinage de la Terre. Cette force est omniprésente, elle s’applique à chaque particule du corps et nous tire constamment vers le bas, tandis que par accoutumance cette conscience nous échappe. Parallèlement à cette dimension physique inévitable, j’ai voulu mettre en relief une dimension psychologique tout autant universelle, ce poids souvent inconscient qui nous détourne de nos objectifs ou freine notre avancée. Celui-ci peut provenir d’une tiers personne comme aussi et surtout de soi-même, par peur, croyance ou a priori... Me concernant, je pense que si le cadre familial dans lequel j’ai grandi ne s’était pas autant opposé à mon envie de danser, je n’en aurai peut-être jamais fait mon métier. »
Partant donc de cette donnée « physique » presque au double sens du terme, Jann Gallois a imaginé un très joli solo, où l’entrave et la difficulté à décoller du sol donne lieu à une gestuelle tout à fait originale et qui pose à merveille le rapport à l’élévation et à la chute que rencontre tout danseur, nous conviant à une vraie « libération » du corps en live.
J'ai mal (?) de Féroz Sahoulamide par Laurent Philippe
Le programme se poursuivait en toute bonne logique par une exploration de la fragilité du danseur et de son outil, à savoir son propre corps. Feroz Zahoulamide avec J’ai mal( ?) se risque dans un solo sur le corps blessé, la convalescence et le retour sur scène, tandis qu’Amala Dianor compose Parallèle où le corps des quatre danseuses s’aventure dans l’expression de leurs personnalités respectives avec une gestuelle qui s’ébauche dans la dissociation des membres.
Mais le clou de la soirée était sans conteste le duo entre Amala Dianor et BBoy Junior intitulé Extension. Ce dernier est une légende dans le milieu hip-hop, (surtout depuis qu’il a remporté en 2007 le concours La France a un incroyable talent sur M6). Virtuose incroyable, Bboy touché enfant par la polio, est un danseur hors pair, il fallait donc pour l’accompagner toute la fluidité du corps d’Amala Dianor, qui répond par la légèreté et la souplesse aux propostions agiles et véloces de Junior. C’est une vraie fête du hip-hop, explosive et fougueuse à souhait qui clôt donc cette première partie de soirée.
Extension : Galerie photo de Laurent Philippe
Rencontres hip hop qui réunissait les cinq kids du Soweto’s finest et Apache d’Hamid Benmahi était plus en demi-teinte.
Le Soweto’s Finest est un groupe d’Afrique du Sud dirigé par Thomas Bongani Gumede. Ils dansent le Shbuja. Un style de danse très particulier qui a pour caractéristique de mettre en jeu tous le corps tout en étant très expressif. Il emprunte à la danse zouloue, au pantsula (Il s'agit d'un style de vie contestataire né sous l’Apartheid, recouvrant mode, musique, danse, codes gestuels et langage parlé), et a pour origine le mot français « bourgeois » et fait référence à une certaine élégance. Sur la scène, les cinq « kids » livrent un spectacle haut en couleur, portant haut et fort ses origines. Né dans la rue, le Shbuja est une danse qui vous prend et ne vous lâche plus, et distille un sens de la raillerie et de l’humour caractéristique des « bandes de mecs » affichés ici comme une esthétique à part entière.
Spectacle intégral à voir ici : http://culturebox.francetvinfo.fr/sbuja-a-suresnes-cites-danse-2014-147653
Le Soweto’s Finest Galerie photo de Laurent Philippe
Apache d’Hamid Benmahi a voulu recréer l’univers d’Alain Bashung et conjuguer le monde du rock sur le mode hip-hop. Le pari était très risqué.
Et malgré la qualité du spectacle, des danseurs, et même de la gestuelle qui ose des duos d’amour totalement inédits dans le monde du hip-hop, on reste un peu sur sa faim en regardant cette grande fresque inspirée de l’univers musical d’Alain Bashung. Sur scène, deux de ses musiciens phares (Yan Péchin, guitariste et Bobby Jocky, bassiste), ainsi que cinq danseurs (2 filles et 3 garçons) évoluent dans un décor évoquant la zone, du genre déglingue, et une façade de garage qui sert de toile de fond à une successions de moments et de chansons.
Mais après tout, pourquoi pas ?
Agnès Izrine
http://www.suresnescitesdanse2014.com/
Suresnes Cités Danse, jusqu'au 2 février, Théâtre Jean-Vilar, Suresnes
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