Kungliga Baletten : « Giselle » de Natalia Makarova
Rentrée en beauté pour le Ballet royal suédois. La troupe dirigée depuis deux ans par Nicolas Le Riche reprenait l’un des succès de son répertoire, la Giselle chorégraphiée par la prima ballerina assoluta Natalia Makarova. Et - surprise ! - le directeur de la troupe en profitait pour annoncer, à la fin de la représentation, la nomination de la danseuse Haruka Sassa, interprète du rôle titre, au rang de principal.
De la Giselle héritée de Coralli et Perrot et préservée au Marinsky par Petipa, Natalia Makarova fait une lecture à la fois très fidèle et très intime. Tout en conservant les fondamentaux du ballet et son cachet rustico-romantique, l’ex-ballerine russe, qui fut elle-même une très grande Giselle au côté de Mikhaïl Baryshnikov avec l’American Ballet Theatre, a épuré, simplifié et resserré la dramaturgie.
Le premier acte, qui s’ouvre sur une large toile de fond colorée évoquant un champ de coquelicots à la Monet, donne le ton : plutôt que la reconstitution un peu kitch d’un village façon conte de Grimm, le scénographe Tony Straiges plonge le spectateur dans un environnement suggestif, un paysage du cœur où le ressenti importe plus que la précision des détails. De même la pantomime, si importante dans la compréhension de l’intrigue, semble ici réduite à l’essence, et à sa plus juste expression.
Il faut ici souligner l’interprétation remarquable de Haruka Sassa, dont la légèreté et la grâce donnent à son personnage de jeune paysanne en proie à ses premiers émois toute l’émotion et la fragilité requises.
Passant avec une fluidité exemplaire de la variation de l’amoureuse passionnée à la scène de la folie, elle mettait à nu un sens dramatique qui jamais ne paraissait outré. A ses qualités émotionnelles, s’ajoutaient une technique sans faille et un très beau travail de bras. En dépit de la prestance de Dawid Kupinski en Prince Albert, et de la forte présence de Calum Lowden dans le personnage du garde-chasse Hilarion, sa prestation dominait largement le premier acte.
Plus remanié par Natalia Makarova, notamment dans les chorégraphies des Willis, le deuxième acte laissait paraître ça et là quelques faiblesses notamment chez le corps de ballet, dues sans doute à la jeunesse d’une compagnie sensiblement renouvelée depuis l’arrivée de Nicolas Le Riche. Toutefois, le pas de deux final donnait encore l’occasion à la soliste japonaise, passée par le ballet de Dortmund avant de rejoindre il y a deux ans la compagnie suédoise, de briller de ses ultimes feux avant de disparaître au pied de la tombe dans un tourbillon de fumée.
Très applaudie au baisser de rideau, Haruka Sassa se voyait ensuite promue lors d’une annonce publique salle éclairée - une cérémonie inhabituelle en Suède, à quelques rares et lointaines exceptions près, et qui rappelait furieusement les nominations d’étoile à l’Opéra de Paris… Lors de son allocution, Nicolas Le Riche rendait également hommage à Natalia Makarova venue saluer sur scène avec la troupe, et soulignant combien la présence de cette danseuse « iconique » avait été pour tous un formidable cadeau.
Cette belle soirée marquait l’ouverture d’une saison dont le moment culminant sera, en mai 2020, la célébration des cent ans des Ballets Suédois de Rolf de Maré et Jean Börlin. Affaire à suivre, donc !
Isabelle Calabre
Vu au Kungliga Operan de Stockholm le vendredi 6 septembre 2019.
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