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« Conditions of being a mortal » d’Adrienn Hód

Un quatuor venu de l’Est, prêt à en découdre avec tous les codes. Pour montrer qu’une autre danse est possible, même sur une symphonie classique.

From Hungary with heat... et avec beaucoup d’amour pour le ballet, l’opéra et la comédie musicale: Conditions of being a mortal d’Adrienn Hód est loin d’être aussi frontalement iconoclaste qu’elle ne paraît, à première vue. Ce quatuor venu de Budapest affiche une liberté absolue, et pourtant bien raisonnée. Il ne saura donc être décrit adéquatement  par des adjectifs comme « loufoque » ou « grotesque ». La chose va bien plus loin.

Les désirs de liberté par rapport aux normes esthétiques et à la bienséance des corps qui se manifestent dans cette pièce concernent autant la scène que la ville. Comme dans un jeu de vases communicants, la répression grandissante dans la Hongrie de Viktor Orbán a pu éveiller chez Hód le désir de répondre par une sorte de manifeste dadaïste en faisant exploser les codes de la danse, du ballet au contemporain, et même ceux du rapport à la musique.

La distanciation du clown

Avec son déluge de fantasmes, d’animalité, de sexualité, de jeux enfantins, de bagarres et de clowneries, Conditions... est d’une radicalité à toute épreuve et sans doute un cas de soixante-huit’art-appliqué, où « il est interdit d’interdire. » Mais en vérité, Hód ne détruit pas le code-source, elle le fait basculer. Simplement, et savoureusement.  A tout moment, les interprètes donnent l’impression d’avoir non seulement fait une école de danse classique, mais aussi une école de clown. Et de très bonnes écoles, de surcroît !

Chaque dispute, chaque geste érotique, chaque grand jeté trouve la même distanciation burlesque et précise. On y croise une femme lionne en grand écart, un contorsionniste masculin (ce qui est rarissime) à la chevelure abondante, une ballerine sur pointes dans son plus simple appareil, des cris poussés en plein grand jeté, ou encore une paire de fesses nues qui se contractent dans la meilleure harmonie rythmique avec la musique symphonique. Aucune Robyn Orlin n’aurait su imaginer un inventaire aussi décapant, tout en gardant le cap !

La cohérence de Faust

Car justement, aussi explosé que cet univers puisse paraître, il ne manque nullement de cohérence, notamment dans son dialogue avec la Faust-Symphonie de Franz Liszt qui regorge d’ambiances narratives et émotionnelles. Les danseurs s’en emparent avec candeur enfantine ou bien, justement, tel un quatuor de clowns contemporains. Mais jamais ils n’en trahissent l’esprit. Ils posent, sur ces histoires présumées, un regard savamment décalé. C’est tout. Chaque  émotion - grotesquement exagérée, bien sûr - et chaque relation entre les personnages répond à l’ambiance musicale, en toute sensibilité. Et une seule phrase chorégraphique peut enchaîner Schuhplattler, Cancan et roulade au sol, les quatre bouffons veillant jalousement mais facétieusement sur le sérieux de leur affaire.

Même virtuosité, même inventivité pour les costumes : Ceux-ci s’affichent hauts en couleurs et furieusement éclatés, comme si des enfants s’étaient amusés à découper les accoutrements d’une troupe de ballet, pour recomposer les tissus sans a priori aucun, dans la joie de provoquer une véritable explosion de couleurs. Bien entendu, tout ce chahut visuel et chorégraphique ne serait qu’anecdotique s’il n’était pas porté par sa cohérence intérieure, son sens profond et l’impressionnante qualité technique des interprètes.

Thomas Hahn

Conditions of being a mortal 

Chorégraphie: Adrienn Hód
Interprètes: Marcio Canabarro, Emese Cuhorka, Júlia Garai, Csaba Molnár

Festival Un Week end à l’Est,  Paris, MPPA Saint-Germain, le 23 novembre 2018

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