Marie-Agnès Gillot : les adieux d’une étoile
A quoi reconnaît-on une star ? Outre ses qualités propres, à la relation particulière qu’elle entretient avec son public. Et de ce point de vue Marie-Agnès Gillot, qui faisait le 31 mars ses adieux au Palais Garnier, en est incontestablement une.
Peu importe qu’on l’ait vu, jadis, plus impressionnante et bouleversante dans le très bel Orphée et Eurydice de Glück chorégraphié par Pina Bausch - dont elle avait été la première interprète, choisie par la chorégraphe lors de l’entrée au répertoire du ballet en 2005. On aura, du reste, été plus ému ce soir-là par la prestation très investie de Stéphane Bullion, magnifique Orphée qui, face à la mort, n’a à offrir que son amour éperdu. Il suffisait toutefois d’attendre la fin de la représentation et la traditionnelle cérémonie, mi officielle mi amicale, sur le plateau pour retrouver, face aux deux mille spectateurs venus l’applaudir, tout ce qui a fait le charme unique de Marie-Agnès Gillot.
Son naturel lorsque, lasse de saluer debout, elle s’assoit familièrement, pieds nus, au bord de la fosse d’orchestre ; son sens de la fidélité, quand elle fait monter sur scène Brigitte Lefèvre qui, il y a quatorze ans, la nommait étoile à l’issue de la représentation de Signes de Carolyn Carlson - cette dernière également appelée sur scène et vivement applaudie. Ou encore son désir constant d’innovation qui la pousse à lire, pendant la réception officielle suivant la représentation, son discours d’adieu sur fond musical, puis à le conclure par une improvisation dansée en duo avec sa directrice et amie, Aurélie Dupont.
Galerie photo © Yonathan Kellerman/ONP
Toujours est-il que, plus que l’émotion, cette complicité faite de familiarité et d’admiration était une fois encore au rendez-vous. Saluée par de nombreuses personnalités du monde de la danse, dont Ghislaine Thesmar et Pierre Lacotte - elle créa sa Paquita - sans oublier ses partenaires de scène tel Kader Belarbi, Marie-Agnès Gillot a tiré sa révérence avec élégance, simplicité et caractère, à l’image de la danseuse qu’elle a été. Ses problèmes de do et sa grande taille ne l’ont jamais empêchée de briller, dans le répertoire contemporain sur lequel elle fut la première étoile à être nommée mais aussi chez les classiques, notamment les ballets de Balanchine et de Noureev où elle imposa son physique atypique.
Curieuse de tout, elle s’est aussi aventurée dans la création, chorégraphiant pour les danseurs hip hop de Suresnes cités danse, comme pour ses camarades de l’Opéra avec Sous Apparences en 2012. Au moment de quitter ‘sa maison’ comme elle l’appelle, dans laquelle elle est entrée à neuf ans en 1985 via l’Ecole de danse, alors dirigée par Claude Bessy, elle ne cachait pas avoir « pleuré tous les jours depuis six mois ». Mais cette battante, qui soutient de nombreuses causes humanitaires, fourmille déjà de projets pour la suite, entre l’enseignement, le stylisme, la pub, les clips… A suivre, donc !
Isabelle Calabre
Le 31 mars 2018 - Opéra de Paris
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