Le festival « Séquence Danse » au Centquatre-Paris
Quinze spectacles de danse, stages, bals et training party : Séquence Danse Paris se développe et se diversifie. Du 14 mars au 9 avril.
Quatre Sacres, un quatuor choc d’Anne Teresa de Keersmaeker, deux pièces d’Amala Dianor, un focus sur les danses urbaines, mais aussi le nouveau solo d’Alessandro Sciarroni sont au centre de la cinquième édition de Séquence Danse. S’y cachent les dialogues de deux chorégraphes majeurs avec leur propre parcours.
Emanuel Gat revisite son Sacre qui avait fondé sa réputation d’artiste à forte tête, puisqu’il y réussit cette étonnante liaison entre Stravinski et la salsa. Ce retour aux sources se partage la soirée avec un autre revenant chorégraphique, à savoir Gold qui n’est autre qu’un nouveau regard sur Goldlandbergs, sa création de 2013. Gat revient donc sur son histoire, et il en va de même pour Anne Teresa de Keersmaeker qui, autant qu’Emanuel Gat, est accueillie dans le cadre de la programmation du Théâtre de la Ville.
Suprême De Keersmaeker
La venue de Rosas au Centquatre-Paris est une grande première, même si le quatuor d’A Love Supreme est plutôt un petit format. Mais cette nouvelle création sur la musique de John Coltrane n’a rien à envier à Rosas danst Rosas, autre quatuor que De Keersmaeker est en train de remonter. En 2005, cette création commune de De Keersmaeker et Salva Sanchis fut une pièce pour deux femmes et deux hommes vêtus de blanc dans un espace blanc et une danse légère, élégante, aérienne.
En 2017, voilà quatre hommes vêtus de noir, dans un espace noir, pour des allures plus telluriques, dans une relation si intense et immédiate avec la musique qu’on croit plonger dans un concert live. Par l’acuité de sa recherche sur l’incarnation musicale, De Keersmaeker réussit la gageure de créer un concert dansé en l’absence des musiciens. Chaque danseur incarne l’énergie et l’esprit de l’un des instruments: saxophone, basse, batterie et piano, jusqu’à se confondre avec lui, sans mimétisme aucun. Le résultat est une révélation, laissant aux interprètes les mêmes espaces d’improvisation que Coltrane à ses musiciens. Une osmose totale dans une distanciation éclairée.
C’est en effet le lien entre la danse et d’autres arts que Séquence Danse s’emploie à défricher, autour d’une quinzaine de pièces programmées, au Centquatre-Paris et ailleurs, car José-Manuel Gonçalvès ne tisse pas seulement des liens avec le Théâtre de la Ville, mais aussi avec la Péniche Pop, le Théâtre Louis Aragon à Tremblay-en-France ou l’Espace 1789 à Saint-Ouen.
Quatre moins un égale trois ! Trois Sacres restent donc à attribuer, après celui d’Emanuel Gat. Tous les trois appartiennent à Bérénice Bejo et Sylvain Groud, mais répondent parfaitement à la mise en jeu du désir amoureux chez Gat, par la salsa. Pendant que Groud danse sur la partition de Stravinski, Bejo interprète trois visions de l’amour, à travers trois textes d’écrivains : Le désir incontrôlable, l’amour pur et les traces laissées sur un corps.
Danses urbaines
Et le hip hop? Gonçalvès cherche à souligner, par Séquence Danse, les désirs et possibilités de l’être-ensemble. En Amala Dianor il trouve un parfait ambassadeur pour cette mission inscrite dans l’histoire même du Centquatre-Paris. Dianor vient avec deux pièces. D’abord Man Rec, poétique et fluide, dans un équilibre parfait entre le tellurique et l’aérien, comme entre inspiration ancestrale et danses urbaines. Le B-Boy d’origine sénégalaise présente également sa toute nouvelle pièce Quelque part au milieu de l’infini, l’histoire de trois hommes et trois styles de danse - contemporain, traditionnel africain, hip hop - autour d’un terrain vague qui devient terrain d’échanges.
Et puis, il faut s’arrêter un moment sur cette belle histoire d’aller-retour qu’est Heroes avec ses B-Boys’n’Girls que Radhouane El Meddeb avait rencontrés au Centquatre-Paris lors de leurs pratiques régulières sur les parvis, entre amis. Danseuses et danseurs qu’il amena au Panthéon (le vrai, au sens concret), dans le cadre de la manifestation Monuments en Mouvement. Entretemps, cette performance en forme de fontaine humaine est devenue un spectacle à part entière qui existe en toute indépendance des murs du Panthéon. Les voici donc de retour à leur point de départ ! Retour aussi d’Arthur Nauczyciel avec The Fire Flies, Baltimore/Paris, une installation autour du voguing qui confronte les scènes de Paris et de Baltimore, pour une battle par vidéos interposées. Encore une histoire de dialogue…
Thomas Hahn
Du 14 mars au 9 avril 2017
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