« Aleatorio » par les Ballets de Monte-Carlo
La dernière création de Jean-Christophe Maillot pour les Ballets de Monte-Carlo est un miracle de composition et d’écriture chorégraphique.
Aleatorio rassemble en une même et seule œuvre Men's Dance (2002), Men's Dance for Women (2009) et Presque rien (2015). Le résultat est stupéfiant d’harmonie, comme s’il était prévu de tout temps de bâtir ensemble ces trois pièces pour en faire une œuvre maîtresse. Les deux premières avaient été composées à partir d’une même œuvre de Steve Reich (Morceaux de bois, 1973). Le coup de génie de Maillot a été d’en changer la musique et les voici sur le Concerto italien de Jean-Sébastien Bach joué par Alexandre Tharaud, que l’on entendra donc deux fois sans presque s’en apercevoir (lire aussi notre entretien). Presque rien, créé sur une partition de Bertrand Maillot restant fidèle à l’original.
Photos : Alice Blangero
Le titre de la pièce, dit presque tout des intentions de Jean-Chistophe Maillot avec son clin d’œil très cunninghamien (aléatoire + Roaratorio, chef-d’œuvre de Cunningham). On retrouve donc dans Aleatorio un souci d’écriture que n’aurait pas démenti l’Einstein de la danse, et surtout une organisation interne digne des lois de composition mathématiques. Aussi rigoriste et légère que peut l’être la partition de Bach, la chorégraphie sait jouer des différents thèmes et voix et de leurs récurrences souterraines. Mais comme chez Cunningham, la chorégraphie n’a plus de centre mais arrange (comme en musique) des contrepoints multiples qui essaiment en autant d’échos familiers. Et surtout, si chorégraphie et musique se rencontrent, c’est le fait du hasard !
Photos : Alice Blangero
La gestuelle est d’une inventivité sans faille. Les hommes dans un registre très contemporain qui conjugue une rapidité virtuose à des amortis inattendus, une gestuelle tout en rebonds à des fondus au sol. Les femmes tout en étirements et fulgurances, reprennent quasiment le même ordonnancement que dans la partie précédente, mais l’accent est mis sur la jambe et la pointe. Une façon de lier ces deux ouvrages, puisque la première partie ouvrait avec une vidéo de jambes fuselées gainées du fameux chausson.
Les rapports homme/femme passent de la non mixité à la rencontre dans le dernier tableau, une confrontation sans concession des deux sexes, chacun ne cédant rien de leur individualité et laissant place à une danse duelle, organique, sensuelle à travers des portés d’une beauté impressionnante.
Agnès Izrine
Le 16 décembre 2016, Salle Garnier, Opéra de Monte-Carlo, Monaco dans le cadre du Monaco Dance Forum
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