4ème festival Séquence Danse au 104
Le festival parisien Séquence Danse conçu par le Centquatre amène à Paris les dernières créations de Louise Lecavalier, Delgado Fuchs, Yuval Pick, et Michel Schweizer. S’y ajoutent Yoann Bourgeois, Dorothée Munyaneza, Olivier Dubois, Alessandro Sciarroni, Mickaël Phelippeau, Amala Dionor et Kaori Ito.
Louise Lecavalier et Alessandro Sciarroni deviennent par ailleurs artistes associés internationaux du Centquatre.
Louise Lecavalier : Mille Batailles
L’ancienne icône de La La La Human Steps, la compagnie d’Edouard Lock, vient avec sa toute nouvelle création, un duo avec le danseur Robert Abubo, qui fut son partenaire de scène dans deux créations précédentes.
Ça s’appelle Mille Batailles et s’orchestre autour d’une bipède mille-pattes qui s’appelle bien sûr Louise, et se livre à des duels physiques complices et compulsifs avec son partenaire de scène, comme elle une sorte de fantôme, en combinaison noire, et en transe. A se demander qui succombe le plus à l’hypnose : Le Public ou les interprètes ?
Delgado Fuchs : Bataille
Encore un duo, encore une bataille. Mais très, très différente. De Nadine Fuchs et Marco Delgado, on sait depuis leur succès avec Manteau long en laine marine porté sur un pull à encolure détendue avec un pantalon peau de pêche et des chaussures pointues en nubuck rouge qu’il affectionnent l’attirail, ne serait-ce que pour l’enlever très esthétiquement. Avec leur façon dadaïste de subvertir nos fantasmes dominants, ils caressent désormais l’univers guerrier du Moyen Âge.
Référence au nom du peintre Paolo Uccello (et son célèbre tableau La Bataille de San Romano), leurs casques ont des becs d’oiseau. L’ironie, ils adorent. Les plasticiens français Clédat et Petitpierre leur ont conçu des armures de chevaliers légèrement revues et d’autant plus fabuleuses. La gestuelle et l’expression de ce qui rappelle des masques orientaux leur confèrent des présences aussi guerrières que délicieusement ironiques. Voilà une danse qui épingle le machisme tel le crayon d’un caricaturiste.
Michel Schweizer : « Primitifs »
Après Fabrice Lambert avec Jamais assez, voici une nouvelle approche pour évoquer les déchets nucléaires qui incommoderont les générations futures au-delà des durées concevables par le cerveau humain. Mais Schweizer crée une sorte de cabaret théâtral, chorégraphique et chanté qui ne permet à aucun moment de démêler le vrai du faux. Oui, le laboratoire de recherche souterrain pour le stockage définitif des déchets radioactifs existe, à Bure (Meuse). Oui, on peut leur croire d’y être allés pour prendre les photos qu’ils nous montrent. Mais leur spectacle est aussi insaisissable que la radiation nucléaire. Présenté au 3e, 4e ou 5e degré, leur démonstration n’est ni dadaïste, ni franchement activiste, ni un spectacle de théâtre ou de danse…
Est-ce en vérité ce débat sur l’art qui s’amorce entre les architectes (mais que sont-ils en vérité ?) et les techniciens (sans doute aussi des acteurs ?). A prendre (au sérieux) ou à (se) laisser (irradier). Primitifs est accueilli et présenté par le festival 100% de La Villette.
Dorothée Munyaneza : Samedi Détente
Munyaneza est danseuse et chanteuse rwandaise et vit entre l’Angleterre et la France. Son récit authentique du génocide rwandais de 1994 ne concerne que ce qui arriva à elle et sa famille, ou à ses amis, assassinés ou bien rescapés, la peur au ventre. Chanteuse du groupe Struggle et danseuse-chanteuse-performeuse, d’abord pour François Verret et Alain Buffard, et désormais dans sa propre production, Munyaneza déclare: « Je chante pour mes amis massacrés. »
Mais au lieu d’appuyer, elle s’envole, portée par l’énergie vitale qui l’emporte sur les énergies destructrices. Le titre de sa pièce reprend le titre d’une émission de radio rwandaise, diffusée les samedi soirs pour danser et chanter avec les amis. On en retrouve l’ambiance sur le plateau.
Yoann Bourgeois : Celui qui tombe
Trois femmes et trois hommes sur une énorme plateforme, suspendue et mobile. Face aux forces qui se déchaînent, ils tentent de tenir debout, Mais la chair est faible et l'entraide leur seule chance. Ce carré de six mètres sur six aux pouvoirs diaboliques peut s'incliner, monter ou descendre, trembler ou tourner à grande vitesse pour atteindre la puissance d'une tempête, d'un naufrage ou d'un tremblement de terre. Pour résister, il faut accomplir une vraie performance physique et sociale. Lire notre article
Yuval Pick : Are friends electric ?
Danser sur la musique de Kraftwerk ? Oui, et en plus, dans un lien direct à Schubert. Idée perturbante et pertinente en même temps. La danse se glisse sous la peau apparemment froide des titres culte de Kraftwerk, réchauffée par le dialogue avec Schubert. D’un siècle à l’autre, le romantisme change de couleur, mais pas de texture. Le rythme se durcit, les frémissements du bassin sont les mêmes. La jeunesse sera toujours la jeunesse. L’amitié est toujours aussi importante qu’il y a deux siècles et cette pièce de danse s’en empare avec fougue. Le groupe de six interprètes prend la Sehnsucht, cette envie de bonheur dans une nostalgie universelle, à bras le corps.
Nous avons déjà évoqué dans nos colonnes Je danse parce que je me méfie des mots, le duo de Kaori Ito avec son père ainsi que Religieuse à la fraise, son duo avec Olivier Martin-Salvan, également présent au festival.
Lire nos articles : Je danse parce que je me méfie des mots
Religieuse à la fraise
Nous avons aussi déjà chroniqué Avec Anastasia de Mickaël Phelippeau (lire l' article)
ainsi que De(s)génération d’Amala Dianor (lire l'article) qui présente ici également Extension, nouveau duo avec Bboy junior, suite à leur rencontre à Suresnes Cités Danse dans leur trio avec Sly, alors présent sur scène avec sa création sonore.
Quant à Allessandro Sciarroni, il reprend sa pièce mythique Folks - will you still love tomorrow…, déconstruction de la danse folklorique des Alpes, avec une nouvelle distribution.
Yan Duydendak/Olivier Dubois : Sound of Music
La grande énigme reste Sound of Music, véritable revue mise en scène par Yan Duyvendak, sur des musiques d’Andrea Cera et Michael Helland, chorégraphiée par Olivier Dubois sur un texte de Christophe Fiat. Une déferlante d’énergie, comme si tout le lycée de l’Anastasia de Phelippeau s’y déchaînait joyeusement, en s’interrogeant sur l’avenir de la planète et leur avenir personnel dans ce monde. Plus qu’un divertissement et une déferlante d’énergie ?
Thomas Hahn
Festival Séquence Danse, du 22 mars au 13 avril 2016
http://www.104.fr
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